Dans six jours, on fêtera le 30e anniversaire du procès Klaus Barbie. Le procès du "boucher de Lyon" a permis de délivrer la parole des victimes. Mais la question de la transmission se pose plus que jamais.
En 1987, le procès de Klaus Barbie faisait l'effet d'une "catharsis nationale" en libérant la parole des victimes de la Shoah. Trente ans après, comment maintenir cette mémoire vivante ?
11 mai 1987, la salle des pas perdus du palais de justice de Lyon est transformée en salle d'audience géante: pour la première fois en France, un homme est jugé pour crimes contre l'humanité. Près de 150 parties civiles, représentées par 39 avocats, et 400 journalistes se pressent en bord de Saône.
Klaus Barbie, le "boucher de Lyon", ex-chef local de la Gestapo, comparaît pour la rafle de 86 juifs rue Sainte-Catherine, au siège lyonnais de l'Union générale des israélites de France (Ugif), en février 1943 ; pour celle de 44 enfants juifs et de sept encadrants dans la "colonie" d'Izieu (Ain) en avril 1944 et pour l'organisation d'un convoi de Lyon à Auschwitz le 11 août 1944.
L'ancien nazi de 73 ans, défendu par Jacques Vergès, quittera le banc des accusés au 3e jour d'audience, estimant avoir été extradé illégalement de Bolivie.
"Certains prétendaient que le procès, venant quarante ans après les faits, arrivait trop tard et qu'il ne servait à rien de rouvrir de vieilles cicatrices. D'autres estimaient que l'absence de l'accusé ôtait tout intérêt à ces audiences", écrivait l'AFP à l'époque.
Les victimes au premier plan
Mais au final, il a fait l'effet d'"une véritable catharsis nationale parce que jusqu'alors, les victimes ne parlaient qu'à demi-mot. Et le fait que Barbie ne soit pas là a été une chance quelque part, qui a permis de braquer les projecteurs sur elles et pas sur son rictus", estime aujourd'hui Jean-Olivier
Viout, assistant de l'avocat général du procès, Pierre Truche.
Il revoit encore cette petite femme, rescapée des camps, lui demandant des places pour que ses enfants et petits-enfants puissent assister à sa déposition. Parce que même à eux, elle n'avait jamais rien dit.
Pour l'ancien magistrat, dans le contexte actuel, il est impératif d'entretenir cette mémoire "pour tirer les leçons du passé et ne pas oublier comment un enfant normal peut devenir un fanatique assoiffé de sang". Mais comment faire tandis que les témoins disparaissent et que des lassitudes s'expriment ?
Après moi, qui va raconter ?
Alexandre Halaunbrenner a 85 ans. Ses deux soeurs ont été déportées après la rafle d'Izieu, son père et son frère ont été arrêtés à Lyon, puis tués.
"J'ai commencé à raconter au procès Barbie. Depuis je continue, mais "après moi, je vois pas qui va raconter".
"On transmet la mémoire mais cette transmission est tellement difficile et les jeunes sont trop loin aujourd'hui, ils ne pigent pas. Ils me demandent: 'mais pourquoi vous n'avez pas changé de religion ?'.
Klaus Barbie fut condamné le 4 juillet 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité et mourut en prison quatre ans plus tard. En 1995, Jacques Chirac reconnaissait la responsabilité de la France dans la rafle du Vel d'Hiv.