Gravée pour témoigner de la terrible sécheresse du siècle dernier, une grande pierre plate laisse apparaître, en cet été caniculaire, au Défilé d'Entreroches, à nouveau la date de "1906". Le lit du Doubs serait donc à cet endroit, entre Remonot et la Longeville, à un niveau aussi bas qu'il y a 116 ans.
Trouver la pierre témoin de la sécheresse de 1906 dans le défilé d'Entreroches (Doubs) n'est pas chose aisée. Il faut avoir été guidé un jour, presque "initié" pour la trouver dans le lit caillouteux du Doubs, entre les falaises calcaire couleur crème. Emmanuel Rivallain, journaliste à France 3 Franche-Comté a eu cette chance en 2018, alors qu'il témoignait déjà des conséquences de la canicule sur la région et de la disparition de la rivière. (Revoir le reportage de 2018 "Villers-le-Lac : mais où est passée la rivière le Doubs?")
Mais en 2018, la pierre n'était pas apparue pleinement. Cette fois, elle révèle tristement la date de "1906", gravée à la main. 1906 : la plus grande sécheresse du XXème siècle en Franche-Comté. Celle qui marque les esprits et dont on fait des photos et des cartes postales. Des riverains connaisseurs ont d'ailleurs ajouté les dates de 2018 et 2020 sur le haut de la pierre.
L'inscription "1906" apparaît nettement dans cette vidéo d'Emmanuel Rivallain tournée le 27 août 2022.
Ce n'est pas à proprement parler "une pierre de la faim" comme on en découvre en Allemagne ou en Europe de l'Est depuis le début de l'été, et qui ont été gravées entre le 14ème siècle et le 19ème. Aucune inscription prophétique dramatique du style "si tu me vois, commence à pleurer...", pour signifier que la disette et la mort approchent. Il s'agit plus d'une pierre repère, comme d'autres marquent les crues historiques. Cependant, pas besoin d'être devin pour comprendre que cette vision n'augure rien de bon.
Une autre pierre gravée au Saut du Doubs
A quelques kilomètres de là, au Saut du Doubs, une autre pierre porte la marque de la sécheresse de 1906. Celle-ci est un peu plus connue bien que vue et photographiée par peu de gens. René Favet, mémoire locale, a pu la voir en 2018, parce "qu'il connaissait bien l'endroit et s'est donné du mal, car les pierres sont noircies et les caractères font 10 à 15 cm de haut seulement".
L'inscription apparaît ainsi : "1906 Douane A.N.", les initiales sans doute du douanier qui a voulu immortaliser dans la roche cet événement historique, car l'endroit se situe juste sous l'ancienne petit poste des douanes, aujourd'hui côté suisse.
Mais l'inscription n'est pas apparue cette année, car contrairement à l'amont de Morteau, la sécheresse précoce en 2022 a fait baisser le niveau du Doubs très tôt mais pas aussi bas qu'en 2018. "Cette pierre, je ne l'ai pas encore vue, explique Muriel Michel, à la tête des vedettes panoramiques du Doubs. Même si la saison est terrible, et que l'on ne réalise que 20 % de notre circuit en bateau, 30 % depuis les dernières pluies. On passe plus de temps à pied ou en voiture !"
Tous espèrent que les pierres témoins seront bien vite recouvertes, même s'ils n'ont encore une fois pas pu les observer à temps cet été.