Comment se projeter dans l’économie numérique quand on a du mal à trouver une connexion internet performante ? En zones rurales, les entreprises sont confrontées à ce paradoxe. Mais des communes s'organisent pour ne pas rater le train du numérique.
Quand on parle des obstacles à la compétitivité des entreprises, ce sont toujours les mêmes antiennes qui sont ressassées : charges trop lourdes, coût du travail trop élevé, droit du travail trop rigide, etc.
Dans les zones rurales, on pourrait y ajouter la "fracture numérique". Hors des grandes métropoles et des zones touristiques, les entreprises ne bénéficient pas de connexions internet performantes. Ou bien à des coûts exorbitants et après des semaines d’attente.
C’est un vrai handicap alors que l’économie toute entière se « digitalise ». Pour rester compétitives, les entreprises doivent adopter les outils numériques. Et cette absence d’internet stable et à haut débit empêche l’éclosion de nouvelles entreprises, de nouveaux services dans les territoires ruraux.
Brocéliande, terre de légendes et de numérique
Christian Guillemot, co-fondateur d’Ubisoft, crée en 2015 une nurserie numérique à Malestroit (56).
Le principe ? Un lieu où accueillir des créateurs d’entreprises liées au numérique. La nurserie leur offre gratuitement des locaux, un accès internet à très haut débit, une aide juridique et du conseil pour la recherche de financements.
L’initiative provoque un déclic. Deux ans plus tard, les villes de la Gacilly, Carentoir et Guer ouvrent aussi leurs "nurseries ou greniers numériques" sur le même modèle.
La communauté de communes de l’Oust à Brocéliande entre ainsi de plein pied dans l’ère numérique.
A la Gacilly, 11 entreprises numériques se sont installées. Des start-up qui travaillent avec le monde entier mais qui aident aussi au développement de l’économie locale.
Le-mulot.fr, par exemple, est une plateforme d’achats groupés qui permet aux particuliers de réaliser à moindre coût des travaux dans leur maison ou réduire leur facture énergétique. 1 200 foyers y sont inscrits dans un triangle comprenant Ploërmel, Vannes et Redon.
Ils peuvent acheter du fioul à plusieurs, faire ramoner leurs cheminées ou entretenir leur système de chauffage, demander à un artisan de réaliser des travaux d’isolation via la plateforme.
Le-mulot.fr fait appel à des entreprises locales pour rendre ces services, leur offrant ainsi une vitrine internet.
Dans son bureau de 10 m2, David Sergent a réalisé 45 000 euros de chiffre d’affaires pour sa première année d’activité. Ce trentenaire a créé WordApp.co, un logiciel qui transforme automatiquement un site internet Wordpress en une application mobile pour téléphones iOS ou Android.
Plus de 100 000 personnes ont téléchargé son logiciel. Une belle réussite pour David qui a quitté l’école à 16 ans, préférant développer des sites internet et devenu aujourd’hui un entrepreneur.
La fibre optique, le nerf de la guerre
Ce développement du numérique en zones rurales est rendu possible grâce à la fibre optique. C’est la région qui est à l’initiative du projet Bretagne Très Haut Débit. L’objectif est de câbler 100% des foyers bretons en fibre optique d’ici 2030.
Le syndicat mixte "Mégalis" a été créé pour chapeauter les travaux. La première tranche de travaux a débuté en 2014 et s’achèvera fin 2018. Elle prévoit le raccordement de 240 000 locaux (foyers, entreprises et services publics) dans 13 villes moyennes et l’équivalent en nombre de lignes en zones rurales.
La Gacilly a bénéficié du dispositif. 1 300 foyers sont désormais reliés à internet par fibre optique. L’année prochaine, les villes de Guer et Malestroit seront aussi reliées.
Pour ces trois communes, l’investissement s’élève à 1,5 millions d’euros.
Mais le jeu en vaut la chandelle. Le très haut débit est indispensable pour préserver le tissu d’entreprises locales et éviter qu’elles ne décrochent au profit des métropoles.