"Impuissants" et résignés face à la virulence de l'épizootie de grippe aviaire (H5N8) qui sévit depuis décembre dans les Landes, les éleveurs
du département sont "tous d'accord" sur l'abattage total des canards, mais divergent sur la manière de rebondir une fois la crise jugulée.
L'exploitation de Marie-Hélène Cazaubon, éleveuse gaveuse à Montsoué, au sud de Mont-de-Marsan (Landes), a été l'une des premières touchées dans le département, début janvier, par l'abattage préventif des 9.000 canards de son exploitation.
"Deux mois sans activité c'est très dur", financièrement et psychologiquement, explique à l'AFP cette responsable de la FDSEA, syndicat agricole majoritaire dans les Landes. Lors de la précédente épizootie en 2015/2016, Marie-Hélène avait accepté tant bien que mal le vide sanitaire progressif dans son exploitation, "mais ce qui est très dur aujourd'hui, c'est le fait d'abattre tous les animaux d'un coup". "Au début de la crise, se souvient-elle, on pensait que la barrière sanitaire suffirait mais, cette année, la maladie est particulièrement virulente."
"Je suis bien malheureuse d'avoir à le dire, mais aujourd'hui, la seule solution c'est le dépeuplement total, parce qu'il faut bien stopper le virus", lâche Mme Cazaubon.
D'autant que "le vide sanitaire ne pourra commencer qu'après la désinfection du dernier foyer, rappelle-t-elle. Donc si on ne fait rien tout de suite, la situation va s'éterniser sur des mois et des mois", au risque même de compromettre la saison prochaine.
Confiante que "tous les animaux abattus seront indemnisés", un coût qu'elle estime pour ses 9.000 têtes perdues "entre 50.000 et 60.000 euros", l'éleveuse assure que les banques "sont aujourd'hui en mesure de faire les avances sur trésorerie".
Mais difficile encore, prévient-elle, de chiffrer le "coût réel du manque à gagner pendant la période d'inactivité, parce que reste l'inconnue de la date de reprise".
"Saturation des salles d'euthanasie"
Or c'est précisément la reprise de l'activité et "surtout ses modalités" qui opposent aujourd'hui petits et gros producteurs du département, explique Christophe Mesplède, président du Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux), la voix des "petits exploitants".
"Abattage total ou pas, le débat n'est plus là puisqu'il ne reste plus que très peu de canards vivants", 600.000 environ après l'abattage de 1,3 million de têtes depuis le début de l'épizootie, explique ce petit éleveur-gaveur à Mugron, dans le sud des Landes. Force est de constater que "depuis plus d'une semaine, on compte une quinzaine de nouveaux foyers par jour" dans le département, ajoute résigné, l'éleveur landais."Donc tout le monde est d'accord sur l'abattage, le seul facteur limitant aujourd'hui, c'est la capacité à abattre, et la saturation des salles d'euthanasie", témoigne Christophe Mesplède, qui attend l'abattage de ses 4.000 têtes depuis un mois et demi. Aujourd'hui il l'appelle même de ses voeux: "Je voudrais qu'on les abatte le plus vite possible pour que ça me coûte moins..." Cette année, le fléau H5N8
lui aura coûté quelque 80.000 euros.
Confinement total à venir ?
"Mais là où on n'est pas tous d'accord, nuance le syndicaliste, c'est sur les modalités de redémarrage". "Ce qui pose problème au Modef, explique son président, c'est que le Cifog (Comité interprofessionnel du foie gras) qui regroupe tous les maillons de la filière, y compris les grands industriels, propose de redémarrer en période hivernale, systématiquement en confinement total." Une mesure qui éviterait la contamination des élevages pendant la période de migration des oiseaux sauvages, qui ont beaucoup contribué cette année à propager le virus.Autre argument de poids contre l'opération de confinement préconisée pour les saisons à venir, notamment par la FDSEA: un coût colossal pour les petits exploitants que défend le Modef."C'est un message catastrophique envoyé au consommateur, parce que l'élevage en plein air est une garantie du bien-être de l'animal et donc de qualité!" tonne le syndicaliste.
Dans une exploitation moyenne de 12.000 canards, "qui dit confinement, dit construction de nouveaux bâtiments pour un investissement total de 300 à 350.000 euros", avertit M. Mesplède.
Voyez le reportage de Margaux Dubieilh et Jean-Yves Pautrat :