Les coursiers à vélos sont de plus nombreux dans les rues de Toulouse. Après la faillite de Take Eat Easy, de nouveaux géants de la livraison de repas à domicile se sont installés dans la ville rose et ont amené avec eux un nouveau modèle économique et de nouvelles pratiques de consommation.
Place du Capitole, à midi. Ils sont nombreux à guetter leur téléphone, leur vélo à la main. A l'heure du repas, le ballet des coursiers est incessant. Depuis la faillite de TakeEatEasy en 2016, les géants du secteur se sont emparés du marché toulousain. Deliveroo puis Ubereats et Foodora ont rejoint Allo resto. Désormais ces 4 grandes plateformes se partagent les ventes et des petits nouveaux vont bientôt faire leur apparition. Mais que pensent les différents acteurs de ce nouveau marché de la Foodtech ?
Vu des plateformes
Avec 80 restaurateurs partenaires et 200 coursiers, l'entreprise britannique Deliveroo domine depuis plus de 18 mois le marché toulousain. Mais un nouveau concurrent de taille a débarqué dans la ville rose en mai dernier : Ubereats. En à peine quelques mois, la plateforme se vante d'avoir déjà livré plusieurs dizaines de milliers de repas. De quoi déstabiliser le marché ?Pas selon Guillaume de Richemont, directeur régional de Deliveroo.
"On travaille avec des partenaires depuis longtemps, on a bien choisi notre offre avec des restaurateurs qui nous sont fidèles. "
Pour Stéphane Ficaja, manager général d’Ubereats, "Toulouse est très adaptée à la livraison à vélo. On peut circuler assez vite, les restaurants y sont très concentrés, et c'est une ville dans laquelle les gens utilisent beaucoup le vélo, ce qui fait que beaucoup de coursiers ont rejoint notre plateforme."
Vu des restaurateurs
Ouvert en mai 2016, ce restaurant toulousain n'avait pas anticipé la place qu'allait prendre cette livraison à domicile dans son activité. Aujourd'hui, 35% de ses plats sont livrés à vélo. Soit une trentaine de repas en moyenne par jour. Audrey James, la gérante du Made In A Marmite, estime que c'est incontournable. "C'est entré dans les moeurs. Dans les grandes villes, les gens commandent par internet." Son entrée sur les plateformes lui a aussi permis de se faire connaître et d'élargir sa zone de chalandise."On ne touche plus seulement le client qui passe devant la vitrine, cela nous offre un deuxième pas de porte digital".
Le service à un prix : la comission prise par la plateforme est entre 20 et 30 % du prix du repas. Avec des repas à 10 euros en moyenne, Audrey ne touche pas de marge sur ses produits livrés ainsi, mais cela l'aide à payer ses charges fixes.
Vu des coursiers
510 coursiers sont enregistrés à la chambre de commerce sur l'agglomération toulousaine.
Pour certains, c'est un complément de revenus, pour d'autres, une activité à temps plein. Difficile d'obtenir un témoignage face caméra, la plupart craignent pour leur job. Pour Eric, qui a souhaité que l'on change son prénom, il s'agit de "salariat masqué". Beaucoup en font leur activité principale, car "les plateformes embauchent tout le monde, et le service n'est jamais en panne". Un autre coursier, rencontré dans la rue et souhaitant lui-aussi garder l'anonymat explique qu'il travaille pour plusieurs plateformes à la fois.
"Ca me convient très bien. je fais le nombre d'heures que je veux, les jours que je veux."
Selon Deliveroo, plus de la moitié de ses coursiers seraient étudiants et travailleraient en moyenne 22 heures par semaine. Ils sont payés entre 5 et 7 euros la course selon les plateformes (et non plus à l'heure comme précédemment). Ubereats parle aussi d'une activité en complément de revenus, avec en moyenne une dizaine d'heure de travail par semaine.
Tous sont sous le statut d'auto-entrepreneur. Un statut qui ne leur garantit donc aucune continuité d'emploi, pas d'assurance, ni de sécurité sociale. Depuis septembre, et suite à une grogne montante des coursiers, Deliveroo propose quand même une assurance sociale complémentaire gratuite à ses collaborateurs. Mais qui ne les couvre que sur le plan corporel, pas matériel.
Pour contrer cette précarité de statut, une coopérative de coursiers a vu le jour. Applicolis a été lancée par d'anciens coursiers. Elle fait de la livraison à vélo pour les entreprises. Pas encore présente sur le marché de la livraison de repas, elle envisage de lancer sa propre plateforme en janvier prochain, comme une alternative aux systèmes actuels : Coopcycle.
Vu dans l'avenir ?
A peine arrivés sur la ville rose, les géants du marché déploient déjà leurs stratégies commerciales à plus grande échelle : Ubereats va prochainement étendre sa zone et ses horaires de livraison. Foodora, l'allemande, parle de son côté d'une croissance à plus de 20% par semaine. Enfin, Deliveroo, après une dernière levée de fonds record, envisage de se lancer dans la création de ses propres espaces de cuisine, que les restaurateurs pourraient mutualiser pour préparer leurs repas.
Le reportage complet de Delphine Gérard et Thierry Villéger