Le tribunal correctionnel de Versailles a condamné lundi à deux ans de prison avec sursis un sexagénaire qui a construit pendant 30 ans des écoles, des crèches, des HLM dans les Yvelines en faisant croire qu'il était diplômé en architecture.
Philippe Leblanc, 60 ans, était poursuivi pour des faits non prescrits d'escroquerie et d'usurpation de diplôme de 2009 à 2013 et pour avoir illégalement répondu à des marchés publics sur cette période, pour un montant d'honoraires de 926.000 euro. Le ministère public avait requis trois ans de prison, dont deux avec sursis. Il devra par ailleurs verser de 1 à 3.000 euros de dommages et intérêts à plusieurs parties civiles, au titre du préjudice moral. "Il a causé un préjudice aux victimes en trompant leur confiance (...) même si d'une manière générale, les travaux ont été réalisés sans difficulté", a estimé le tribunal dans son délibéré.
Le 5e chambre correctionnelle a débouté certaines parties civiles qui demandaient jusqu'à 260.000 euros de remboursement des honoraires et de dommages et intérêts en prévision d'un sinistre, les assureurs de M. Leblanc ayant averti qu'ils ne couvriraient pas d'éventuels dommages. "Le tribunal n'a pas fait droit aux demandes d'indemnisation au titre du préjudice matériel, cela confirme que si M. Leblanc a construit sans diplôme, il a cependant bien construit", a réagi son avocat, Me Pascal Fournier.
Sans éveiller les soupçons, Philippe Leblanc a réussi pendant 30 ans à construire des bâtiments importants, supérieurs à 170 m2, pour lesquels le recours à cette profession réglementée est obligatoire. Connu dans la région de Mantes-la-Jolie, le bâtisseur avait finalement été démasqué par un couple qui avait mené sa petite enquête à la suite de malfaçons. M. Leblanc avait appris le métier alors qu'il était encore étudiant, aux côtés d'un architecte, mais il n'avait jamais passé son diplôme. "J'avais une épée de Damoclès sur la tête. J'ai repoussé, repoussé, et je ne l'ai jamais fait", avait concédé à la barre le prévenu, expliquant s'être trouvé pris "dans l'engrenage du travail".
Pendant l'été, le bâtisseur, absent à son jugement, a présenté devant un jury son mémoire de fin d'études. Dans 15 jours, il saura s'il décroche, à 60 ans, son diplôme d'architecture.
>> Un reportage de Antoine Marguet et Jean-Yves Blanc
