Saint-Nazaire - La Baule : voter FN ou s'abstenir

Dimanche prochain, sur le canton de Saint-Nazaire 2, une liste FN affrontera la liste PS du président sortant du conseil général de Loire-Atlantique. Dans la commune de La Baule, 20% des votes sont allés au FN. Un vote massif dont les électeurs préfèrent ne pas parler face caméra. Témoignages.

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Le vote Front national est désormais un suffrage qui se banalise. Du moins, dans les urnes, car face caméra, personne ou presque n'a souhaité s'exprimer ouvertement à Saint-Nazaire et La Baule sur les raisons de son choix, au lendemain du premier tour des élections départementales. Hors caméra, en revanche, les langues se délient.Une commerçante de Saint-Nazaire qui ne souhaite pas être identifiée confie que, oui, elle a voté Front national au premier tour, dimanche. "J'ai toujours voté FN. Je vote FN parce que j'ai été agressée six fois dans ma vie. A chaque fois par des gars qui n'étaient pas Français. Donc, y'en a marre.", nous a-t-elle confié.

Près des chantiers navals, certains ouvriers parlent aussi de la tentation du vote FN. L'un d'entre eux, qui n'a pas voté dimanche, mais votera au second tour, veut voter pour le parti de Marine Le Pen.

Je vais voter FN pour changer le système! La gauche, la droite, ça n'aboutit à rien!"


Au comptoir du bar Le Ralliement, la plupart des clients avoue ne pas avoir voté dimanche. Tous des hommes. Tous, à l'exception d'une femme, une militante Lutte ouvrière de longue date, qui, elle garde foi dans le processus démocratique. "Oui, je vote. Car nos parents se sont battus pour leur travail. Nous aussi, on s'est battus pour travailler. A leur tour, nos enfants se battent pour travailler. Alors, oui, je vote."

A ses côtés, un homme d'une quarantaine d'années lit Presse Océan sur le comptoir. Il n'a pas voté. "Je travaillais, je pouvais pas." Peut-être votera-t-il dimanche prochain. "J'essaie de voir qui est passé au second tour." Il tourne les pages, lit l'article concernant son canton, le regard fixe, sérieux et ne fera aucun commentaire.

Assis avec un collègue d'une cinquantaine d'années, un jeune ouvrier raconte qu'il ne voit aucun des candidats lui offrir un choix qui apporterait une différence significative à sa vie. "Pour moi, c'est tous exactement la même chose. Ca n'évolue pas. Et pas dans le bon sens."

D'autres ouvriers attablés à l'heure du déjeuner confirment son sentiment. Voter n'a plus de sens pour eux. Gauche, droite, ils avouent ne rien espérer de la classe politique en général. Front national inclus.

Un peu plus loin, dans un autre restaurant, deux ouvriers, la trentaine, sont eux aussi désabusés. Mais ils refusent catégoriquement le vote FN. Par conviction républicaine, mais affirment, eux aussi, ne pas se retrouver dans les partis traditionnels. L'un a voté blanc au premier tour. Le second ne s'est pas déplacé et n'a pour l'instant pas l'intention de voter au second tour. "Pourquoi est-ce que je voterai?", lance l'un deux. "Quand je vois Cahuzac, Thevenoud, mais pourquoi irai-je voter ? Y'en a un qui oublie de déclarer son compte en Suisse, l'autre qui a une phobie administrative quand il faut payer ses impôts ! Ils se croient tout permis alors qu'ils devraient donner l'exemple, ils ne le donnent pas. Moi, je fais un truc pareil, je peux vous dire qu'on va me le faire payer cher ! Pourquoi irai-je faire élire des gens pareil ?"

Son collègue tempère : "Y'en a avant nous qui se sont battus pour le droit de vote. Donc, je vais voter." Puis il ajoute : "Mais je vote blanc."

A La Baule, commune où l'on vote traditionnellement à droite, et généralement pour l'UMP, certains se sont laissés tenter par le vote FN. 20% de l'électorat qui s'est déplacé. Comme ce couple aisé qui s'approche du remblais. Madame raconte : "Cette année, j'ai voté UMP. Mais oui, ça m'est déjà arrivé de voter FN. Pour manifester mon mécontentement à Sarkozy, mais dans l'espoir que le FN ne passe pas." Monsieur ajoute : "Oui, j'ai voté FN. Ce n'est pas la première fois. Je ne suis pas raciste, hein, mais y'a un ras-le-bol ! Et puis qui nous dit qu'ils feraient moins bien que les autres ?" Lui vote FN, "pour mettre un coup de pied dans la fourmilière". Il est persuadé que de toute façon, "faut arrêter de rêver, ils n'y arriveront jamais en 2017 (au pouvoir). C'est n'importe quoi. Je n'y crois pas une seconde."

Il poursuit : "Il y a des choses insupportables, l'immigration ! Quand je vois ce que fait (Tony) Abbott en Australie (Premier ministre australien, NDLR) lorsqu'il dit 'les bâteaux, d'où qu'ils viennent, demi-tour, on reverra les sans-papiers chez eux, et bien, très bien!" Ce Monsieur avoue avoir déjà tenté le vote contestataire. En 1981. "Pour faire chier Giscard, j'ai voté Mitterrand." Il lâche un petit rire. "Bon, on en a pris pour 14 ans!"

Mais il ne s'en inquiète pas, à la différence de cette dame qui a pris sa retraite à La Baule il y a quelques années. "J'ai travaillé toute ma vie. J'ai travaillé dur. Mais j'ai gagné ma vie et j'ai pu mettre de côté. Comme d'autres. Quand je vois qu'aujourd'hui des gens triment au SMIC, je comprends le ras-le-bol." Ce qui l'effraie, en revanche, c'est une remarque qu'elle entend parfois parmi ses groupes d'amis : "Certains se disent 'on a essayé la droite, la gauche, on peut bien essayer les autres, à l'âge qu'on a, on ne risque pas grand-chose." Elle laisse apparaître un rictus un peu crispé au coin de ses lèvres, semblant dire qu'elle pense à la jeune génération et lâche : "C'est un peu égoïste comme attitude."

Mais c'est la seule explication qu'elle semblait trouver, lundi après-midi, en se promenant dans les rues commerçantes de La Baule.

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