Pourquoi donc jucher des détenus sur des chevaux ? Quelques uns d'entre vous ont trouvé cette simple idée insupportable au regard des victimes et de la punition prononcée. Et si ces animaux permettaient justement de rendre un peu d'humanité à ces hommes ? Un magazine d'Enquêtes de région.
Dompter les peurs, c'est le titre que j'ai choisi pour ce reportage de 15 minutes. La peur du cheval d'abord... Grand, lourd, puissant. La peur que nous avons des détenus, ces hommes condamnés par la justice pour leurs crimes ou leurs méfaits, que l'on emprisonne pour en protéger la société. Mais aussi la peur des détenus vis-à-vis de nous : comment retrouver / mériter la confiance des autres ? Comment vivre une nouvelle vie dehors, une vie en respect des lois ?Un cheval pour s'évader
L'activité peut sembler fantaisiste, certains d'entre vous la jugeront peut-être déplacée, choquante et pourtant elle a son utilité. L'animal propose un dialogue simple. Le contact des chevaux apaise, l'ambiance de la prison se détend. Une porte de liberté s'entrouvre. A leur contact, les souvenirs des détenus reviennent et les sourires naissent. Avant d'apprendre à monter sur leur dos, les prisonniers les brossent, leur curent les pieds, les accompagnent brouter sur la pelouse. Et puis vient le plaisir du trot, du galop, du regard qui se porte au-delà des barbelés, pour quelques instants.Punir et "réparer"
Saint-Martin-de-Ré, outre sa station balnéaire people/chic, a toujours debout ses fortifications Vauban. Derrière ses hauts-murs de pierre, se cache la prison du bout du monde, un surnom vestige de son histoire de bagne, avant-poste de l'exil à Cayenne, et symbole d'actualité aujourd'hui encore, avec sa petite trentaine de nationalités. Dans cette centrale pénitentiaire, sont incarcérés des détenus longue peine. C'est-à-dire condamnés à plus de cinq ans de prison ferme. Beaucoup de violeurs ou meurtriers purgent-là leur détention, mais aussi des braqueurs et, à notre connaissance, au moins un faux-monnayeur.Pour ceux qui approchent de leur fin de peine (ou dernier tiers de peine), ou qui satisfont aux critères, des "outils" de réinsertion se mettent en place : le droit de travailler, des permissions sportives ou culturelles. Et récemment donc, la visite de quelques chevaux. Des chevaux à caresser et sur lesquels s'essayer à la voltige. C'est le deuxième stage de ce type organisé dans cette centrale.
A chaque fois à la manœuvre, l'association ARDEVAC, basée à quelques kilomètres de là, à Loix, sur l'île de Ré. Manu et Chica Bigarnet, intrigués, se sont lancés dans cette aventure en 2013. Au fil des rencontres, 4 pour le moment, ils ont pu observer l'effet bénéfique des chevaux sur ces hommes-là.
Le magazine Dompter les peurs a été diffusé dans Enquêtes de Région du 14 Octobre 2015, à 23h20, sur France 3 Poitou-Charentes, France 3 Aquitaine et France 3 Limousin.
Rendre un peu d'humanité
Comme souvent pour les reportages en milieu carcéral, l'administration pénitentiaire "limite" nos conditions de tournage, pour des raisons de sécurité ou d'organisation. Vous verrez donc beaucoup d'images de cour, de promenade, de temps "libre" des prisonniers, très peu de l'intérieur des bâtiments et quasiment aucun gardien. Ce magazine n'est donc pas un reflet exact du quotidien carcéral qui se déroule pour l'essentiel en cellule, et sous le regard des surveillants. Autre particularité, une "anonymisation" partielle des détenus a été négociée grâce à une jurisprudence favorable en termes de droit de l'image. Je n’arrivais pas à imaginer comment raconter les effets et l’utilité d’un tel stage sans montrer les réactions, les sourires de ces hommes en train de faire du cheval. Une manière de rendre encore un peu plus d’humanité à ces hommes qui, même s’ils sont punis par la société, en ont besoin.Et comme à chaque fois dans ces cas-là, nous avons fait signer à chaque participant de ce stage, et particulièrement aux détenus interviewés dans ce reportage, un formulaire "droit de l'image". Ils ont individuellement consenti à la diffusion de leur image, comme vous pouvez le voir dans l'extrait suivant.
Et vous qu'en pensez-vous ?
Petit retour en arrière, sur les réseaux sociaux, certains d'entre vous ont trouvé cette initiative _ de proposer aux détenus de monter à cheval_ choquante, voire complètement déplacée. Montage parallèle de quelques unes de ces réactions et de la parole des principaux intéressés.