Plusieurs centaines de manifestants sont attendus, ce vendredi après-midi, à Annecy, pour protester contre les poursuites engagées contre une inspectrice du travail accusée de violation du secret professionnel et de recel de courriels de l'entreprise Tefal (groupe Seb). Le procès a été reporté.
Entre 350 (selon la police) et 500 manifestants (selon les organisateurs) se sont réunis en début d'après-midi devant le Palais de justice d'Annecy, où l'audience prévue à 14h a été reportée au 16 octobre, à la demande des parties.
L'inspectrice du travail Laura Pfeiffer devait comparaître aux côtés d'un informaticien de Tefal, aujourd'hui licencié, poursuivi pour détournement de courriels et accès frauduleux à un système informatique. Il leur est reproché d'avoir rendu public des mails internes à l'entreprise montrant que la direction avait cherché à entraver le travail de l'inspectrice du travail.
Dans un de ces messages, une cadre de Tefal, basée à Rumilly en Haute-Savoie, remarque ainsi que le directeur départemental du travail (DDT), Philippe Dumont, a "le pouvoir" de changer Laura Pfeiffer "de section administrative pour que Tefal ne soit plus dans son périmètre". "Intéressant, non?", souligne-t-elle. S'ensuivent plusieurs échanges troublants entre Philippe Dumont et la direction de Tefal.
Saisi, le conseil national de l'inspection du travail (CNIT) a estimé en juillet 2014 que l'entreprise avait "porté atteinte" à l'indépendance de l'inspection "en tentant d'obtenir de l'administration (préfet) et du responsable hiérarchique le changement d'affectation de l'inspectrice". "Ces pressions n'ont pas été suivies d'effet", souligne cependant le CNIT.
Par la suite, Laura Pfeiffer a établi un procès verbal d'entrave à sa mission d'inspectrice, mettant notamment en cause sa hiérarchie. Elle a aussi porté plainte pour harcèlement moral contre Philippe Dumont. Ces faits font l'objet de deux enquêtes ouvertes par la parquet d'Annecy et confiées à la section de recherches de la gendarmerie de Chambéry.
Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c'est la décision du parquet, saisi d'une plainte de Tefal, de poursuivre l'inspectrice du travail pour violation du secret professionnel après la diffusion des courriels litigieux dans la presse.
Les syndicats CGT, Sud, CNT, FSU et FO ont dénoncé un procès "éminemment politique", "le procès de notre métier, de l'inspection du travail, démantelée depuis des années par les gouvernements successifs et qui doit faire face aux attaques incessantes du patronat". Pierre Solvas, responsable de la CGT de Haute-Savoie, a ainsi vilipendé une "justice aux ordres des possédants".
Reportage de Marion Feutry, Frédéric Pasquette et Philippe Caillat
Intervenants: Marie-Pierre Maupoint, déléguée Sud Travail; Denis Smeril, salarié de Tefal Rumilly; Bernard Thibault, élu de l'Organisation Internationale du Travail
Dans un communiqué publié vendredi, le procureur d'Annecy Eric Maillaud se défend de vouloir faire le "ménage" dans l'inspection du travail et assure traiter "avec la même rigueur (...) l'ensemble des procédures pénales (...) y compris dans le domaine du droit pénal du travail".