Grenoble: une distribution de tracts est-elle une manifestation? Un militant CGT à la barre

C'est la question posée mardi à la cour d'appel de Grenoble qui jugeait un militant CGT poursuivi pour organisation de manifestation non déclarée.

Quelque 150 personnes s'étaient rassemblées devant le palais de justice de Grenoble pour soutenir le prévenu, Pierre Coquan, ex-secrétaire général de la CGT du Rhône. "Militants, pas voyous!", scandaient les manifestants, alors qu'au même moment à Bobigny quinze salariés d'Air France étaient jugés pour l'affaire de la "chemise arrachée".

Le ministère public n'a pas requis de peine à l'encontre du prévenu. "L'infraction ne me semble pas établie", a estimé l'avocate générale. Pierre Coquan, retraité de 62 ans, avait été relaxé en première instance et en appel pour une distribution de tracts sur la réforme des retraites, organisée en août 2010 au péage de Villefranche-sur-Saône (Rhône) sur l'A6.

Entre 80 et 100 personnes avaient participé à cette action, qui n'a pas fait l'objet de plainte de la société concessionnaire de l'autoroute. "C'est très bon enfant, la circulation reste fluide, il n'y a pas de perturbation. Il ne se passe pas grand-chose", a décrit l'avocate générale à l'audience. "Une distribution de tracts, c'est quelque chose que nous faisons couramment. Nous ne demandons pas d'autorisation car ça ne gène en rien la circulation sur la voie publique", a relaté M. Coquan à la barre.

Suite à des poursuites du parquet, le tribunal de Villefranche-sur-Saône et la cour d'appel de Lyon avaient estimé qu'une distribution de tracts n'était pas une manifestation et n'était donc pas soumise au régime de déclaration préalable.

L’enjeu, c’est la liberté d’expression


Mais, dans un arrêt du 9 février 2016, la cour de cassation a jugé que la cour d'appel de Lyon avait violé la loi en estimant qu'une manifestation s'accompagnait nécessairement de chants, banderoles, bannières, slogans et moyens de sonorisation, des "conditions" qui ne sont pas prévues par les textes.

Une manifestation est "un rassemblement, statique ou mobile, sur la voie publique, d'un groupe organisé de personnes aux fins d'exprimer collectivement et publiquement une opinion ou une volonté commune", a affirmé la chambre criminelle. "C'est la première fois que la cour de cassation définit ce qu'est une manifestation", a noté Me François Dumoulin, avocat du prévenu, en appelant les magistrats grenoblois à "préciser" cette définition pour préserver les libertés publiques.

"L'enjeu, c'est la liberté d'expression", a souligné Me Dumoulin. "Si on met tout dans le même sac, une distribution de tracts, un acte d'une extrême banalité, devra-t-elle être déclarée en préfecture?", s'est-il interrogé.

L'avocate générale a elle aussi appelé la cour à "réduire le plus possible" la définition de la manifestation pour éviter toute atteinte "aux libertés individuelles". La cour d'appel a mis sa décision en délibéré au 22 novembre.
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