Douze prévenus comparaitront à partir du lundi 19 septembre devant le tribunal correctionnel de Grenoble pour leur participation supposée aux émeutes de Moirans (Isère) à l'automne dernier. Des violences qui n'avaient fait ni mort ni blessé mais suscité une virulente polémique politique.
Le 20 octobre 2015, vers 15 heures, entre 50 et 100 personnes érigeaient une barricade à Moirans sur la RD 1085, près d'un camp de gens du voyage. Alimentée de poubelles, palettes et véhicules volés, la barricade était incendiée par les émeutiers qui bloquaient également la ligne SNCF Lyon-Grenoble, située non loin de là.
Les locaux de la gare de Moirans étaient saccagés, et un restaurant et divers commerces dégradés. Au total, on dénombra une trentaine de voitures brûlées et plus de 120 trains bloqués pendant une douzaine d'heures, pour un préjudice évalué à plusieurs centaines de milliers d'euros. La raison de cette éruption de colère: le refus d'un juge d'autoriser la sortie de prison du jeune Mike Vinterstein, 24 ans, appartenant à la communauté des gens du voyage, pour assister aux obsèques de son frère de 17 ans, mort quelques jours plus tôt à bord d'une voiture volée au cours d'un cambriolage.
En vidéo, le rappel des faits avec Joëlle Ceroni et Pierre Maillard :
"Laxisme", "délitement"
Les forces de l'ordre mettront de longues heures à éteindre l'incendie, malgré le renfort de plus de 200 gendarmes et policiers. Et si les émeutes n'ont fait ni mort ni blessé, elles ont été l'étincelle d'unevive polémique politique à quelques mois des élections régionales, l'opposition accusant le gouvernement de "laxisme" et de contribuer au "délitement" de l'autorité de l'État.
Deux mois plus tôt, des gens du voyage avaient en effet déjà organisé un blocage spectaculaire de l'autoroute A1 à Roye (Somme), pour des raisons similaires. A Moirans, il aura fallu trois mois aux enquêteurs pour identifier une vingtaine de suspects à partir de photos, vidéos, témoignages, empreintes digitales et ADN...
Après une vaste opération de la gendarmerie, dix-sept personnes ont été mises en examen en janvier, dont deux ont finalement bénéficié d'un non-lieu, tandis que trois mineurs doivent être jugés par le tribunal des enfants. Douze prévenus, neuf hommes et trois femmes âgés de 18 à 58 ans, doivent donc comparaître à partir de lundi devant le tribunal correctionnel, dont Adèle Vinterstein, 45 ans, mère du garçon décédé et du détenu. Tous n'appartiennent pas à la communauté des gens du voyage et six ont un casier judiciaire vierge. L'un d'entre eux en revanche affiche treize condamnations, notamment pour des vols aggravés.
"On punit qui ?"
La plus âgée, Thérèse Cornero, 58 ans, est une retraitée, grand-mère de trois petits enfants. "Elle trouvait injuste que le jeune (Mike) ne puisse pas aller aux funérailles. Elle est allé manifester son mécontentement dans la rue et avait imaginé ça comme un rassemblement mais ne pensait pas que ça allait prendre cette tournure", assure son avocat, Me Emmanuel Decombard, qui défend cinq prévenus.Rares sont d'ailleurs ceux qui reconnaissent leur participation aux faits, la plupart avouant juste s'être rendus sur place en tant que "spectateurs". Il y a d'ailleurs "une grosse distorsion" entre le nombre d'émeutiers (une centaine selon certaines sources) et la douzaine de prévenus, note Me Denis Dreyfus, avocat de la commune, qui s'est portée partie civile.
"On est loin du compte", note-t-il, les personnes à l'origine des faits ayant été "débordées par l'incendie qu'elles ont allumé". L'avocat salue néanmoins la "rapidité de la réponse judiciaire" dans cette affaire. Les avocats de la défense mettent eux en garde contre les répercussions de la pression médiatique et politique sur ce dossier. "Il faut des coupables. Des politiques ont dit que les coupables seraient punis. Si on n'a pas de coupable, on punit qui? Ceux qui sont présentés comme tel?" demande Me Ronald Gallo, un des avocats de la défense.
Le procès doit durer 15 jours. Les prévenus, qui comparaissent libres, encourent une peine de 10 ans de prison.