Vingt ans de réclusion criminelle ont été requis jeudi 16 décembre aux assises de Chambéry contre un instituteur accusé d'avoir violé ou agressé sexuellement 30 fillettes de 4 à 12 ans dans son école en Savoie et dans une colonie de vacances en Charente-Maritime.
Soulignant la "gravité des faits", le "nombre des victimes", la "réitération constante (des faits) entre 2011 et 2013", l'avocate générale a requis la peine maximale, assortie d'une période de sûreté facultative des deux tiers et d'un suivi socio-judiciaire de 10 ans."Il lui reste un long chemin à parcourir", a-t-elle poursuivi, insistant sur la "dangerosité" de l'accusé dont les explications "ne nous ont pas convaincus".
La magistrate a également demandé à la cour de prononcer un suivi socio-judiciaire de 10 ans, avec une peine de 5 ans d'emprisonnement en cas de non respect, l'interdiction d'entrer en contact avec les victimes et leur famille ; enfin l'interdiction d'exercer toute profession en contact avec des enfants.
Le procès d'Éric Molcrette, 51 ans, répond depuis une semaine de 18 viols par fellation imposée lors de "jeux du goût" et de quatre agressions sexuelles sur 19 de ses élèves âgées de 4 et 6 ans à l'école de Planaise (Savoie), entre 2011 et 2013 ainsi que de 11 agressions sexuelles sur des fillettes de 8 à 12 ans dans un centre de vacances équestre à Mornac-sur-Seudre (Charente-Maritime) durant l'été 2012.
Vendredi 9 décembre, il avait livré le récit, mûri en détention et avec un travail psychologique, du "processus" qui l'a mené à commettre "l'injustifiable" en prenant des photos. Il avait alors raconté, avec des mots choisis, une période d'échecs professionnels, de déception amoureuse et de risque de divorce qui l'amène, à partir de 2009, à consulter des sites pornographiques.
Lors de ce "procès hors norme" et "difficile", Eric Molcrette a été décrit par l'avocat général comme un "pédophile de proximité avec un statut qui le plaçait ipso facto au-dessus de tout soupçon".
il était impossible de décrypter les signaux
Face à des familles rongées de culpabilité de ne pas avoir pu protéger leurs enfants, Agnès Deletang a insisté : "il était impossible de décrypter les signaux que M. Molcrette aurait pu émettre". Elle a aussi rappelé que "90% des violences sexuelles sur des mineurs sont commises par l'entourage proche des enfants.
Car derrière les trente victimes, il y a trente familles. "Des couples connaissent des difficultés, des couples ont explosé", a souligné jeudi Me Catherine Rey, avocate de parties civiles.
Durant l'audience, des témoignages de parents - très dignes - ont permis de mesurer les dégâts engendrés par l'affaire et le poids de ce terrible "secret de famille", quand l'enfant n'a pas conscience de ce qu'elle a subi.
À quel moment faudra-t-il en parler ?
Reste alors une question : "à quel moment faudra-t-il en parler ? Maintenant avec le procès ? Quand elles auront l'âge de leur premier flirt ?", a lancé Me Rey en réclamant "une peine à la hauteur de l'atrocité des crimes commis" envers des fillettes "devenues des objets sexuels".
En défense, Me Nicolas Paradan s'est demandé comment trouver une place "pour dire l'humanité de cet homme qui n'est pas le prédateur qu'on a décrit", mais un homme "à la personnalité complexe, difficile à comprendre, 'borderline' mais pas pervers".
Éric Molcrette "est venu debout quand d'autres ont choisi la fuite, pour faire face à la peine. La vôtre (celle des parents, NDLR) et au châtiment car châtiment il y aura", a ajouté Me Paradan, en allusion à la retentissante affaire du directeur d'école de Villefontaine (Isère) accusé de pédophilie, lors d'"ateliers du goût" similaires, et qui s'est suicidé en détention en avril.
"Regarder sa face sombre, cela va vous permettre de faire le chemin inverse"
L'avocat a plaidé le "courage" de son client "mort depuis bien longtemps" à sa vie d'avant, celle d'instituteur bien noté, père de deux enfants, grand sportif, sans aucun antécédent.
"Regarder sa face sombre, cela va vous permettre de faire le chemin inverse", a insisté Me Olivier Connille, son autre conseil, en déplorant "l'excessivité" des réquisitions.
Il a rappelé l'adhésion aux soins d'Éric Molcrette, prêt à prendre des inhibiteurs de libido. "J'aimerais que les parents laissent ici leur colère et leur haine et ne repartent qu'avec l'amour de leur enfant", a ajouté l'avocat, assurant avoir rencontré, avec Éric Molcrette, "pour la première fois la dignité dans le crime". Le verdict est attendu vendredi.