Un amendement socialiste au projet de loi de finances 2017, soutenu par le gouvernement et voté dans la nuit de jeudi à vendredi à l'Assemblée, supprime l'écotaxe, dont le rapporteur public du Conseil d'Etat avait relevé le report et non l'abrogation. Ce vote aura des conséquences en Alsace.
Votée en 2009 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, plusieurs fois reportée, l'écotaxe avait été suspendue "sine die" par le gouvernement le 9 octobre 2014 face à la fronde des "bonnets rouges" bretons. Porté dans l'hémicycle par le député PS du Finistère Richard Ferrand, soutien d'Emmanuel Macron, l'amendement a recueilli l'avis "plutôt favorable" de la rapporteure générale du Budget Valérie Rabault à titre personnel car il n'avait pas été vu en commission. Le député LR des Côtes d'Armor Marc Le Fur, qui s'était "très engagé contre l'écotaxe" au moment du mouvement des "bonnets rouges", a jugé "bon de mettre un terme" à cette mesure "suspendue" mais subsistant dans les textes. Le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, s'en est remis à "la sagesse" des députés, sans autre commentaire.
Devant la fédération nationale des transports routiers, son collègue Alain Vidalies avait évoqué les "inquiétudes" nées dans cette profession d'une procédure récente devant le Conseil d'Etat (voir notre article du 10 novembre sur l'action de l'association Alsace Nature). "Sur le plan purement formel, l'existence de l'écotaxe est restée inscrite dans le code des douanes. Une association a imaginé exploiter ce maintien apparent pour ouvrir la procédure que j'évoquais devant le Conseil d'Etat, tendant à obliger le gouvernement à prendre les décrets d'application", avait-il ajouté. Plusieurs organisations de transporteurs routiers s'étaient émues lundi des conclusions rendues le 9 novembre par le rapporteur public lors de l'audience publique du Conseil d'Etat, saisi par l'association écologiste Alsace Nature. Le rapporteur avait relevé qu'en octobre 2014, la mise en oeuvre du dispositif de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises empruntant le réseau routier (dite écotaxe) a certes été reportée sine die, mais sans abrogation de la loi ni des textes pris pour son application. Selon lui, "la loi ne laisse pas le choix aux ministres de décider de l'opportunité de mettre en oeuvre le dispositif de collecte de la taxe" et a demandé qu'il "leur soit enjoint d'édicter cet arrêté dans un délai de six mois".
Les revirements de l'Etat sur l'écotaxe lui ont déjà coûté 800 millions d'euros, dus à la société Ecomouv', qui devait collecter la taxe. Quelques millions supplémentaires seront nécessaires pour le démontage de portiques, qui surplombent encore de nombreuses routes de l'Hexagone.
En Alsace, l'Ecotaxe n'était pas forcément vue d'un mauvais oeil car elle aurait pu permettre d'éloigner le trafic de certains poids lourds de l'A35 et de la traversée de Strasbourg. Les autoroutes alsaciennes sont en effet beaucoup plus empruntées depuis 2005 par les camions qui veulent se soustraire à la taxe allemande, la LKW Maut, mise en place cette année là.
Les écologistes, opposés au Grand contournement ouest de Strasbourg (GCO), ont toujours souhaité l’application d’une écotaxe semblable à la taxe allemande. Alsace Nature avait donc adressé un courrier aux ministres des Finances et de l'Environnement pour demander l’application de la loi puis introduit un recours devant le Conseil d’État. Le rapporteur public avait relevé le report et non l’abrogation. En général, les avis du rapporteur public sont suivis par les juges. Avec la suppression de l'Ecotaxe, Ils n'ont même plus à se prononcer...
Voici la réaction d'Alsace Nature:
"Cédant ainsi aux pressions des lobbies routiers, le gouvernement n'a pas traîné : l'amendement est passé à l'assemblée nationale cette nuit ! Nos gouvernants montrent une nouvelle fois leur incapacité à arbitrer en faveur de l’intérêt général face aux intérêts privés.
Alors que chaque année en France, on enregistre 48 000 décès prématurés liés à la qualité de l’air (pour un coût de 100 milliards d’euros selon le travail de la commission sénatoriale, le gouvernement vient d’abandonner 40 millions de français qui sont victimes quotidiennement de la pollution de l’air.
Bafouant le fonctionnement de nos institutions en renonçant à attendre le résultat du Conseil d’Etat, le gouvernement supprime, en catimini, un des axes majeurs d’une réelle politique environnementale, retire aux collectivités territoriales la possibilité de financer des modes de transports alternatifs et favorise l’enrichissement de groupes privés au détriment de la santé et de la qualité de vie des Français.
Alors que nous sommes en pleine COP22 et au lendemain d’un « accord historique » pour le climat, nous déplorons le fossé qui sépare la communication gouvernementale des actions conduites par ce même gouvernement.
Les associations de protection de la nature attendent maintenant, avec la même célérité, la mise en oeuvre de mesures destinées à répondre à l’enjeu de l’amélioration de la qualité de l’air et au développement des transports alternatifs.
Avant les échéances électorales de l’année prochaine, les citoyens sont en droit d’exiger un environnement de qualité. Nous en appelons au chef de l’Etat pour que la politique menée ne se fasse plus dans le huit clos des amendements discrets, dictés par les lobbies privés."