Mgr Philippe Barbarin a réitéré hier son souhait formel d'un débat citoyen sur le mariage homosexuel. Le cardinal archevêque de Lyon était auditionné par des représentants du parlement,dont le député de la Drôme H.Mariton
"Ce serait une injustice profonde, stupéfiante, que les citoyens n'aient pas droit à la parole" sur le projet de loi du "mariage pour tous", qui constitue "un enjeu de première magnitude", a affirmé mercredi Mgr Philippe Barbarin devant le groupe de travail UMP à l'Assemblée. Le cardinal-archevêque de Lyon, ainsi que le pasteur Claude Baty, président de la Fédération protestante de France, Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et le Grand rabbin Haïm Korsia, étaient auditionnés par les députés Hervé Mariton (Drôme) et Claude Greff (Indre-et-Loire).
C'est la première fois que des responsables des principaux cultes en France apparaissaient ensemble, ayant jusqu'à présent refusé de se présenter comme "les comploteurs du front du refus" contre un projet de loi qu'ils désapprouvent. "Notre but", a souligné Mgr Barbarin, "est de savoir comment on va servir la société, dans le présent, dans les générations futures. Est-ce que nous voulons vraiment leur bien ? Bien sûr, le Parlement a le droit de légiférer, mais est-ce que c'est bien pour lui de faire tout ce qu'il a le droit de faire?"
"Quand on change le sens des mots", a poursuivi le Primat des Gaules en parlant de "mariage", "on fait une très grande violence aux personnes. Quand un pouvoir se prend pour plus qu'il n'est, il ne sert pas la société, il la met en danger". "Il ne s'agit pas d'ouvrir le mariage à une nouvelle catégorie de personnes, mais de "changer" le mariage pour qu'une nouvelle catégorie de personnes y entrent, ce n'est pas du tout la même chose. Il s'agit d'un enjeu de civilisation de première magnitude". Mgr Barbarin a par ailleurs estimé, à propos de l'adoption, que "beaucoup de pays où des enfants sont à adopter vont les refuser à des couples de même sexe".
"Un jeu de dominos "
Le Grand rabbin Haïm Korsia, aumônier des armées, s'est inquiété d'un possible "jeu de dominos", d'une logique où en posant un pas après l'autre, on en arriverait au développement de la "théorie des genres". Où nous ne sommes plus sexués, nous ne sommes qu'une orientation". Evoquant l'aspect "social et anthropologique" du projet de loi, il a averti : "L'objectif premier de l'organisation, c'est la pérénisation de l'organisation et elle repose sur la différenciation". "Imaginons", a-t-il poursuivi, "les conséquences d'un acte qui ferait que les enfants n'auraient jamais la possibilité de dire "maman" ou "papa", avec tout ce que ces mots contiennent d'affection, de tendresse. Comment ne pas y penser?"
Mohammed Moussaoui s'est pour sa part demandé s'il n'y avait pas, au nom de l'égalité revendiquée pour tous, "une confusion entre l'égalité et la similitude. Deux personnes peuvent être égales mais non semblables, ou être semblables mais non égales". Il s'est interrogé sur l'opportunité de légiférer "quand la question du mariage entre personnes de même sexe concerne seulement 2 à 3% d'individus, et qu'on engage la société dans une voie qui va la modifier profondément".
Le pasteur Claude Baty a réitéré son souhait d'un débat public sur une question qui "ne favorise pas la structuration de la famille", rappelant que "le mariage n'est pas la mise en scène des sentiments mais une organisation sociale".
Les quatre représentants des cultes ont condamné fermement la discrimination à l'égard des homosexuels, reconnaissant que les religions avaient trop longtemps jeté l'opprobre sur eux.