Quinze ans après l'ouverture d'une instruction judiciaire sur des faits vieux de 38 ans, le parquet général de la cour d'appel de Paris a demandé un non lieu dans l'affaire Amisol, du nom de la manufacture clermontoise d'amiante.
Quinze ans après l'ouverture d'une instruction judiciaire sur des faits vieux de 38 ans, le parquet général de la cour d'appel de Paris a demandé un non lieu dans l'affaire Amisol, estimant que la responsabilité du dernier patron de cette usine fermée en 1974 n'était pas établie, c’est ce qu’ont annoncé vendredi à l'AFP des avocats.
Le dossier Amisol doit son nom à une ancienne manufacture d'amiante de Clermont-Ferrand fondée en 1909 et placée en redressement judiciaire pour raisons économiques en décembre 1974. Le licenciement des 271 salariés avait donné lieu à un conflit social particulièrement dur avec occupation de l'usine jusque dans les années 1980.
Une instruction avait été ouverte en 1997 après une plainte d'ex-salariés qui ont développé des maladies liées à leur exposition à l'amiante. La plainte avait été déposée un mois après l'interdiction en France le 1er janvier 1997 de l'amiante, substance qui pourrait selon les autorités sanitaires provoquer 100.000 décès d'ici à 2025.
La seule personne poursuivie dans cette enquête, dépaysée de Clermont-Ferrand à Paris en 2006, est Claude Chopin, nommé en juin 1974 à 25 ans PDG d'Amisol après la démission de son père aujourd'hui décédé. Il a été mis en examen en 1999, notamment pour empoisonnement, homicide involontaire et abstention délictueuse. Son avocat, Me Vincent Courcelle-Labrousse, a demandé en mars à la cour d'appel un non lieu, jugeant notamment que la durée de l'enquête aujourd'hui menée par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy violait le droit de son client à un procès équitable.
Durée de la procédure "déraisonnable"
Ainsi, plaide l'avocat, des personnes qui auraient pu témoigner en faveur de son client sur ces faits vieux de 38 ans sont aujourd'hui décédées, ou trop âgées pour être entendues. Un argument entendu par le parquet général qui, dans un réquisitoire pris en octobre et que l'AFP a pu consulter, souligne que la durée de la procédure est "tout à fait déraisonnable". Pour le ministère public, les faits reprochés à M. Chopin sont prescrits, à l'exception du chef d'homicides et blessures involontaires. Mais au-delà, "c'est sur l'absence d'éléments permettant de retenir la responsabilité pénale du mis en examen" que le parquet général requiert un non-lieu général.
"Compte tenu des difficultés de trésorerie de l'entreprise, de la situation sociale en son sein, on ne voit pas quelle type de mesure aurait pu être mise en place dans ces conditions et dans un laps de temps si court par le mis en examen pour assurer la sécurité des salariés", estime le parquet général. Une position "ahurissante" pour l'avocat des victimes, Me Jean-Paul Teissonnière, qui rappelle les "nuages de poussières d'amiante" dans lesquels travaillaient alors les salariés. "Pour les protéger, il suffisait d'arrêter les machines mais M. Chopin a continué à les faire tourner pendant six mois en dépit de mises en demeure de l'Inspection du Travail", a-t-il déclaré à l'AFP. Les manquements relevés chez Amisol, réplique Me Courcelle-Labrousse, l'ont été à l'égard du père de son client, et non de Claude Chopin.
"La justice doit dire que Claude Chopin n'est pas coupable et qu'il a été traité de manière inadmissible dans cette enquête", a déclaré à l'AFP Me Courcelle-Labrousse.
Si la chambre de l'instruction rejette la requête, le dossier restera chez la juge. La cour d'appel pourrait aussi prononcer un renvoi en correctionnelle, ou encore un non-lieu général.