LGV Lyon-Turin : un projet transfrontalier contesté

Discutée depuis plus de 20 ans, la ligne TGV entre Lyon et Turin, visant à favoriser le développement du fret ferroviaire, est de plus en plus vivement contestée par les écologistes, les agriculteurs locaux et même la Cour des comptes. 

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Serpent de terre ... un projet qui remonte à 2001
Voilà plus de dix ans, en janvier 2001, les présidents Français et Italiens se sont engagés à créer une ligne à grande vitesse entre les deux pays pour les voyageurs mais aussi et surtout pour le fret. Une liaison Lyon-Turin, jugée stratégique pour le réseau européen qui doit ramener le trajet entre Paris et Milan à quatre heures contre sept actuellement. A l'époque on évoquait de part et d'autre la date de 2015. Aujourd'hui, il est question de 2030....

Le plus grand chantier d'Europe
Les travaux du Lyon-Turin commencent par la section transfrontalière : un tunnel de base long de 57 km reliant les gares de Saint-Jean-de-Maurienne et de Suse. Le coût de cette première phase (environ 8,5 milliards) sera réparti entre la France et l'Italie, auquel s'ajoutera une participation de l'Union européenne. Le coût total de la liaison grande vitesse est estimé à plus de 25 milliards d'euros mais il ne s'agit pas d'une seule et unique enveloppe. Le projet se décompose en plusieurs portions. La partie française du Lyon-Chambéry-Turin devrait coûter plus de 7,5 milliards d'euros. En décembre 2011, un accord a été trouvé entre la France et l'Italie pour le financement de la partie transfrontalière de la ligne.

Alternative crédible ?
Le projet est présenté comme stratégique pour le réseau européen et comme une vitrine technologique pour les entreprises. L'infrastructure est vivement soutenue par les industriels de la région. Ses promoteurs estiment que le Lyon-Turin devrait ainsi permettre de libérer la route du trafic des poids lourds. L'objectif est notamment de construire une véritable "autoroute ferroviaire". Objectif : transférer l'équivalent d'un million de poids lourds par an de la route vers le rail. Le Lyon-Turin doit permettre de faire circuler chaque année 40 millions de tonnes de marchandises et 5 millions de voyageurs. Aujourd'hui, seuls 10% des marchandises traversent les Alpes entre la France et l'Italie par le rail contre 60% en Suisse et 30% en Autriche. Avec le Lyon-Turin, trois millions de tonnes d'émissions de CO2 seraient alors évitées chaque année, selon les partisans du projet.

Un projet "inutile et coûteux" ... l'opposition des NO TAV

Le dossier "coince" particulièrement côté Italien, notamment dans le Val de Suse où les activistes "No TAV" dénoncent un projet jugé "coûteux, inutile et polluant", "un chantier pharaonique". Des opposants et militants de divers horizons, qui depuis des années, s'organisent, multiplient les actions symboliques et spectaculaires sur les chantiers du Lyon-Turin pour bloquer ou du moins freiner l'avancée du projet. Une opposition à la LGV, qui dénonce un gaspillage de l'argent public, confortée aujourd'hui par les difficultés financières rencontrées par les Italiens : crise de la dette, hausse des impôts, coupes drastiques dans les budgets de l'éducation et de la santé, hausse du nombre de chômeurs avec un record atteint en octobre (11,1% de chômage, soit le taux le plus élevé dans la Péninsule depuis 2004). Une opposition qui se radicalise côté italien et qui commence à faire tâche d'huile en France.

Selon le sociologue Antimo Farro, spécialiste de la jeunesse et des mouvements sociaux, le mouvement No-TAV a "trois composantes": "une locale qui s'oppose à la ligne reliant la France à l'Italie, une mouvance écologiste, et un groupe d'opposition radicale qui trouve dans le projet une raison de mettre en valeur sa position contre le système capitaliste".

Pour faire entendre leurs arguments, les opposants se réunissent en contre-sommet vendredi 30 novembre et samedi 1er décembre à Lyon peu avant la tenue, dans cette même ville, du sommet France-Italie. Plusieurs centaines de personnes, français et italiens, sont attendues dont des élus d'EELV, notamment le député européen José Bové. Une manifestation est également organisée le 03 décembre à Lyon.
Les réserves des Sages de la rue Cambon ...
Les opposants aux Lyon-Turin ont récemment reçu le soutien de la Cour des comptes qui a critiqué cette liaison ferroviaire dans un référé rendu public début novembre. Elle y pointe le "pilotage insuffisant" du projet, son financement "non défini", son coût "en forte augmentation" (de 12 milliards d'euros en 2002 à 26,1 milliards aujourd'hui) et sa "faible rentabilité socioéconomique". La Cour des comptes a demandé au gouvernement de "ne pas fermer trop rapidement l'alternative consistant à améliorer la ligne existante". Cette charge en règle a provoqué une levée de boucliers des parlementaires concernés par le projet qui ont lancé un appel aux dirigeants français et italiens, leur demandant des "avancées concrètes" lors du sommet du 3 décembre prochain.


Des dates clefs
  • Projet de LGV Lyon-Turin lancé lors d'un sommet bilatéral en 1991.
     
  • accord franco-italien du 29 janvier 2001 pour la réalisation de la liaison ferroviaire.
     
  • signature d'un accord le 30 janvier 2012 à Rome qui prévoit la constitution d'une société paritaire franco-italienne pour gérer le projet. Sa direction opérationnelle sera à Turin et son siège légal à Chambéry (France). Le texte est un  avenant à l'accord franco-italien du 29 janvier 2001 pour la réalisation de la liaison ferroviaire, doit être ratifié par les parlements des deux pays.
     
  • juillet 2011, de violents affrontements se produisent entre les NO-TAV et les forces de l'ordre italiennes à proximité du chantier de Chiomonte. La manifestation pacifique dégénère et fait près de 200 blessés. La presse italienne n'hésite pas à parler de "guerilla".
     
  • Etape essentielle côté français : l'enquête publique (du 16 janvier au 05 mars 2012). Une consultation des citoyens des 71 communes concernées par le tracé (38 en Savoie, 31 en Isère et 2 dans le Rhône). Le rapport a été rendu public en juillet dernier. La commission a formulé trois conseils : la nécessité de travailler en concertation avec le monde agricole et les acteurs locaux, nécessité de réétudier la question des sites de dépôts des déblais impropres,nécessité de mettre en place des commissions territoriales de concertation et de suivi. La commission a rappelé les bienfaits de cet axe ferroviaire mais aussi les inconvénients (impact sur l'agriculture avec 680 hectares pris sur les terres agricoles, traversée des zones urbanisées cause de nuisances supplémentaires pour les habitants, expropriations d'habitants ou d'entreprises).
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