Maurice Herzog, himalayiste, résistant, homme politique, est décédé ce 13 décembre à l'âge de 93 ans. Vainqueur du premier 8000 mètres d'altitude dès 1950, il était une légende de la montagne.
Maurice Herzog, est devenu, avec sa victoire sur l'Annapurna en 1950, un "héros" français. Le 3 juin 1950, avec Louis Lachenal, il foule par un vent glacial ce sommet himalayen de 8.078 m. Maurice Herzog, chef d'une expédition qui n'avait pas d'oxygène et progressait sans cartes, brandit le fanion tricolore, ressentant une forme d'extase.
Sans cet exploit, a-t-il dit, "je n'aurais pas eu la vie que j'ai eue après". Il a payé sa victoire par une amputation des doigts et des orteils. "Vous voyez ce que j'ai en moins mais, moi, je sens ce que j'ai en plus. Et c'est incomparablement plus grand que ce que j'ai en moins", disait-il.
A son retour en France, avec son physique d'acteur de cinéma, "il était auréolé d'une gloire dont il est difficile de se faire une idée. Il était notre Lindbergh, notre Redford, un des rares Français à être connus partout dans le monde", a écrit l'académicien Jean d'Ormesson en 1997.
Retour sur un parcours exceptionnel : de l'Annapurna à De Gaulle
Le roman de sa vie
Maurice Herzog a raconté, en la romançant un peu, la grande aventure de sa vie dans ce qui reste le best-seller absolu de la littérature de montagne: "Annapurna, premier 8000, vendu à une douzaine de millions d'exemplaires et traduit en 40 langues.
En 1958, le pouvoir gaulliste cherche des hommes capables de redonner un idéal à la jeunesse. Maurice Herzog devient cette année-là Haut-commissaire à la Jeunesse et aux sports et, en 1963, secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux sports. Député de Haute-Savoie, il sera maire de Chamonix de 1968 à 1977.
La légende discutée
La mémoire collective tend à faire d'Herzog le grand vainqueur de l'Annapurna, reléguant au second rang Lachenal, ainsi que les grands alpinistes qui les accompagnaient, Lionel Terray et Gaston Rébuffat.
La version des faits trop à la gloire du seul Herzog a commencé à être révisée en 1996, date de publication du texte intégral des mémoires de Lachenal, "Carnets du vertige". Ceux-ci étaient parus en 1956, peu après la mort du guide, mais Maurice Herzog et ses amis avaient réussi à supprimer des passages sur l'Annapurna ou à "réécrire" le texte dans un sens moins favorable à Lachenal
En 2012, Félicité Herzog - la fille que Maurice Herzog eut avec Marie-Pierre de Cossé-Brissac, issue d'une grande famille de la noblesse française - n'a pas arrangé l'image de son père qu'elle a traité, dans un "roman" qui n'en est pas vraiment un, ironiquement intitulé "Un héros", de menteur et d'"hémiplégique de la pensée".
Christian Deville raconte la controverse, montagnarde et familiale, qui écorne le "mythe" Maurice Herzog.
Les réactions des politiques
Pour Eric Fournier, maire de Chamonix :
« La disparition de Maurice Herzog vient clore l’un des chapitres les plus marquants de l’histoire de l’alpinisme. Je tiens à saluer la mémoire de celui qui conduisit l’expédition de
1950 : une aventure inouïe qui aboutit à la conquête de l’Annapurna et qui aura impliqué certains des alpinistes les plus brillants de leur génération. Terray, Lachenal, Rebuffat auront en effet incarné avec Herzog le relèvement du pays après les terribles années de la guerre et son cortège de souffrances et d’humiliations.
Je crois qu’il est vain de vouloir remettre en cause la puissance de ce mythe dans l’imaginaire national : Maurice Herzog aura incontestablement marqué l’histoire de l’alpinisme ; il aura aussi marqué de son empreinte notre vallée à la fois en tant que premier magistrat de la commune, durant deux mandats (1965-1977) mais aussi du fait de la
prégnance des pratiques d’alpinisme dans notre vallée qu’il aura contribué à développer ».
Pour Bernard Accoyer, député de Haute-Savoie :
"Premier alpiniste à vaincre un 8000 m en 1950 avec son compagnon de cordée, Louis LACHENAL, Maurice HERZOG a réalisé, avec beaucoup de courage et d’abnégation, un de ces grands exploits humains qui ont fait rêver tant de générations dans le monde entier.
Homme de conviction, engagé dans la Résistance, puis dans la vie publique derrière le général de GAULLE, il s’est mis au service de grandes causes, telle que la réconciliation franco-allemande, en créant, en 1964, et en présidant l’Office franco-allemand pour la jeunesse.
Secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports, membre du Comité International Olympique pendant de nombreuses années et fidèle aux leçons de Pierre de COUBERTIN, Maurice HERZOG a beaucoup contribué à faire du sport français, en particulier dans le domaine de la montagne et des sports d’hiver, une école d’excellence et de réussite."
Pour Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes :
"Devenu célèbre en participant à la première expédition qui gravit en 1950 l'Annapurna, sommet de plus de 8000 mètres dans l'Himalaya, il a contribué au développement de
l’alpinisme et a toujours incarné les valeurs de la montagne : courage, respect et persévérance.
Ce résistant qui défendit la France dans les Alpes pendant la Seconde guerre mondiale est devenu secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports sous le Général de Gaulle et a été également maire de Chamonix de 1968 à 1977. Je tiens ainsi à rendre hommage à un homme dont les engagements politiques et sportifs ont façonné la pratique du sport en
France et construit le destin des territoires montagnards rhônalpins".