La presse se fait régulièrement l'écho des problèmes de détention à la maison d'arrêt de Corbas. Cette prison récente, moderne, enregistre la mortalité pénitentiaire la plus forte de France. Un homme d'expérience témoigne spontanément : "Si cela ne change pas, il y en aura d'autres, des suicides".
L'homme nous appelle spontanément. C'est un téléspectateur qui a l'expérience de la prison. Au téléphone, il veut absolument témoigner des conditions de détention à "Corbas". Comme s'il y avait urgence : "Il faut que cela se sache ", dit -il. "Car des suicides il y en aura encore, si rien ne change".
Cette prison, qu'il connaît bien, est régulièrement citée dans la presse : 8 suicides en 2012. Dernier en date, la pendaison d'un homme dans sa cellule, il y a une semaine. La multiplication des suicides, notre homme sait de quoi il parle. Il lui est arrivé d'empêcher certains de ses camarades d'infortune de commettre l'irréparable. L'expression est de lui. C'est quelqu'un qui parle posément. Lui -même ne paraît pas animé de pulsions suicidaires. Sa voix assurée, ses arguments plutôt solides plaident pour lui. Pour garantir son anonymat, nous ne préciserons ni la date de son séjour dans cet établissement , ni les faits qui l'ont conduit un jour ici .Tout juste peut -on préciser qu'iI n'a pas été condamné pour un crime de sang. Fort de son vécu, il souhaite donc spontanément nous faire part de ce qui se passe entre ces 4 murs.
L'homme est encore très jeune mais il fait montre d'une grande lucidité : "J'ai un gros passé derrière moi, confesse -t-il. Pour mon âge, j'en ai fait beaucoup, beaucoup trop même". La prison, il sait de quoi elle est faite, même parfaitement. Dans sa vie de détenu précoce, il a aussi connu le "mitard" pour s'être rebellé violemment contre l'autorité pénitentiaire." Si j'étais fragile psychologiquement, dit-il, je me serais déjà suicidé" reconnaît-il.
Mais quel est donc cet établissement où la fréquence des suicides est la plus élevée de France ? : L'homme avance une première explication : "Il y a beaucoup trop de détenus pour le nombre de places disponibles". Mais ce n'est pas tout. Il accuse certains gardiens de brimades répétées et de négligences : "Ils savent très bien qui est suicidaire et qui ne l'est pas, qui est à surveiller particulièrement. Mais ils passent simplement toutes les heures et jettent un oeil dans l'oeilleton de la cellule. Ils s'en foutent du reste ! (...) Celui qui veut vraiment se suicider, en 1h, c'est réglé (...). "Notre témoin veut croire que rien n'est encore perdu et que le pire peut être évité avec une plus grande attention portée aux détenus. Son témoignage, c'est ici :
Les syndicats de gardiens de prison sont eux mêmes confrontés à beaucoup de violence dans cet établissement. Ils pointent à leur tour la surpopulation carcérale : 819 détenus pour 680 places. Mais il y a aussi le sous effectif chronique des gardiens pour contenir cette foule de détenus et surveiller plus précisément des personnalités déjà très fragiles. Car c'est un problème spécifique à cette prison là : Elle accueille beaucoup de jeunes délinquants pour qui c'est la toute première incarcération .
Dans cette prison, la privation de liberté s'exprime chez le détenu de multiples façons : Confrontés à la promiscuité, les jeunes sont parfois animés d'intentions suicidaires, qu'il est difficile d'anticiper. Mais il peut y avoir aussi du stress ou de l'agressivité envers les gardiens. Laurent Segondy, délégué de F.O pénitentiaire, explique ici que les surveillants de prison sont au moins autant victimes du malaise ambiant que les détenus eux-mêmes.
Le contrôleur général des prisons a déjà dénoncé l'architecture des nouvelles prisons, leur implantation excentrée, leur taille et le sentiment d'inhumanité qui peut en résulter.Tandis que les visiteurs de prison parlent d'"usines à détenus", un concept surdimensionné dans lequel l'homme ne peut pas s'amender ni devenir plus "'sociable".
Le sujet de Nordine Mohamedi , Fabrice Cagnin,Patrick Perrel avec le concours d'Emilie Rosso :