Du 18 au 24 mars 2013, se déroule la Semaine de la santé mentale. En Auvergne, le docteur Isabelle Chéreau a créé une consultation prenant en charge les addictions comportementales.
En Auvergne , les addictions comportementales sont prises en charge au CHU de Clermont-Ferrand depuis 2011. Face au développement des jeux vidéos, smartphones, et à la diversification des types de jeu ciblant un public de plus en large, grâce au développement d'Internet, de véritables attitudes de dérives ont fait leur apparition.
Dans certains cas, les comportements de jeux, notamment, s'inscrivent dans une addiction avec des critères précis : besoin d'augmenter les mises, de mentir à son entourage, voire de commettre des actes illégaux pour se procurer de l'argent.
La consultation mise en place à Clermont-Ferrand offre aux patients concernés une évaluation médicale, psychologique et aussi sociale.
Yannick KUSY : Votre consultation spécifique a été mise en place en 2011 au CHU de Clermont-Ferrand. Cela correspond-il à une tendance particulière ?
Docteur Isabelle Chéreau : Depuis de nombreuses années, le service du CMPB prend en charge des patients souffrant d'addictions (toxicomanie, alcool, tabac...), mais aucune prise en charge n'était spécifiquement dédiée aux addictions comportementale. Or ces dernières années ce type de trouble s'est amplifié et de nombreuses demandes d'informations, puis de soins nous ont été adressées. Pour ces deux raisons, l'idée de cette consultation est donc apparue intéressante.
Yannick KUSY :Comment qualifiez vous les pathologies dont sont atteints vos patients? S'agit-il à proprement parler de maladie mentale. Faut-il s'en inquiéter ?
Docteur Isabelle Chéreau : Ils souffrent d'une addiction comportementale qui se définit comme l'impossibilité répétée de contrôler un comportement et la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives. Dans le cas du jeu par exemple, les conséquences existent sur dans leur vie personnelle (isolement), familiale, sur leur situation financière (perte, endettement).
Depuis plusieurs années le jeu pathologique (jeu de hasard et d'argent), est reconnu comme un trouble mental, inclus dans les troubles de l'impulsivité. Concernant la cyberaddiction (jeu vidéo, internet) ce comportement n'est pas encore "classé" dans les manuels diagnostics.
Yannick KUSY : Quels sont les profils type pour ce genre de pathologie? Cela touche-t-il seulement les jeunes ?
Docteur Isabelle Chéreau : Très peu d'études sont consacrées à cette pathologie en France et les données viennent surtout des pays Nord Américains. Le profil type du joueur de jeu de hasard et d'argent est celui d'un homme, marié, 40 ans en moyenne, qui à commencer à jouer avant 20 ans. Ces dernières années, l’écart entre les hommes et les femmes tend cependant à se réduire à la faveur du développement des machines à sous, des loteries instantanées et des jeux de grattage. Les jeux vidéo et la cyber addiction touchent des personnes plus jeunes.
Les motivations à jouer sont relativement différentes en fonction du sexe : celles des femmes seraient plus centrées sur l’évitement des problèmes familiaux et personnels. Les hommes joueraient plutôt pour l’excitation et l’espoir de gain.
On retrouve aussi classiquement des « distorsions cognitives » chez les joueurs. Par exemple il pensent contrôler le hasard, ils ne tiennent pas compte des lois de la probabilité… Ce type de croyance contribue à initier et surtout à entretenir le jeu pathologique.
Yannick KUSY : A quel moment la consultation, selon vous, devient indispensable ?
Docteur Isabelle Chéreau : Le comportement entraîne une souffrance et qu’il devient l’élément centrale de la vie de la personne.
Yannick KUSY : Le web et les jeux vidéos ont-ils créé des symptômes ou des maladies inquiétants ? Faut-il craindre les effets possibles de ces addictions. Par exemple, on parle souvent, dans l'actualité, des actes violents que l'on impute aux jeux vidéo. Qu'en pensez-vous ?
Docteur Isabelle Chéreau : L’utilisation excessive des jeux vidéo, isole et perturbe la notion de temps. Mais différentes études ont montré que les joueurs de jeux vidéo faisaient parfaitement la différence entre le monde réel et le jeu. Il faut cependant rester vigilant quand la pratique excessive est associée à d’autres comorbidités par exemple : des consommations de produits…
Yannick KUSY : En ce moment se déroule au Canada le procès d'un tueur, Magnotta, qui passait 7h par jour sur le net à se créer des personnalités sur des dizaines de blogs différents. Diriez que ce jeune homme a trouvé dans le web un moyen de développer sa pathologie…ou bien que cette pathologie a pu être "créée" par une dépendance au web?
Docteur Isabelle Chéreau : Les médecins qui ont examiné ce jeune homme, sont les seuls qui pourraient répondre à cette question.