Trente ans de réclusion criminelle ont été requis vendredi à l'encontre de Matthieu, 19 ans, jugé devant les assises des mineurs de Haute-Loire pour le viol et le meurtre avec préméditation en 2011 d'Agnès, 13 ans, perpétrés un an après le viol d'une autre jeune fille de 16 ans.
Écartant l'excuse de minorité, qui limite la peine encourue à vingt ans, l'avocate générale, Jeanne-Marie Vermeulin, a demandé aux jurés d'assortir la condamnation d'une injonction de soins "sans limitation de durée". Elle a aussi envisagé la rétention de sûreté en fin de peine "si cela s'avère nécessaire". Le verdict est attendu dans la soirée, après les plaidoiries de la défense qui se dérouleront à huis clos.
Mme Vermeulin, jugeant Matthieu responsable de ses actes, s'est montrée pessimiste sur les chances "d'amélioration" de la personnalité "ultradangereuse" du jeune homme, et a estimé nécessaire d'éviter "de nouveaux drames". Évoquant "des risques majeurs de récidive" et de "naufrage complet dans la maladie mentale", elle a souhaité que "la poursuite de son existence ne soit pas source de nouveaux drames et de tragédies et ne signifie pas la destruction de telle ou telle qui croiserait son chemin".
Durant tout le procès, la personnalité de l'accusé a été au centre des débats. Qui est Matthieu ? Est-ce le garçon jugé non dangereux par un psychiatre montpelliérain après le viol, sous la menace d'un couteau, d'une amie alors âgée de 16 ans ? Sur la foi notamment de cette expertise, après quatre mois de détention provisoire, il avait été jugé apte à devenir interne au collège-lycée Cévenol au Chambon-sur-Lignon, où il a rencontré Agnès. Ou est-ce un adolescent bien plus inquiétant qui a su s'engouffrer dans toutes les failles du suivi judiciaire, psychiatrique et psychologique, dont il faisait l'objet, mises en évidence lors du procès ? Sur ce point, Mme Vermeulin a appelé à se "fonder essentiellement sur l'avis des experts", décrivant un être aux "traits pervers très actifs et effrayants" et soulignant sa "volonté d'emprise destructrice sur ses victimes". Détaillant les "carences et manquements" de son suivi après le premier viol, à commencer par une remise en liberté "mal préparée", elle a déploré: "c'est une sorte de tapis rouge qu'on a déroulé devant lui".
L'avocate générale a estimé que son inscription au collège-lycée Cévenol du Chambon-sur-Lignon était "une insulte au bon sens". "C'était l'établissement le moins adapté possible au cas de Matthieu", a-t-elle dit.
"J'ai entendu un grand réquisitoire prononcé par un grand magistrat", a salué Me Francis Szpiner, l'avocat de la famille d'Agnès, qui avait demandé jeudi à la cour qu'elle "ne donne pas une deuxième chance" à l'accusé. La mère d'Agnès, Paola Marin, avait souhaité que la cour inflige à l'accusé "la peine maximale et qu'il n'ait pas l'excuse de minorité".
L'attitude de Matthieu durant le procès, depuis son ouverture le 18 juin, l'aura aussi, sans doute, desservi. La mère d'Agnès a ainsi décrit un accusé "complètement absent, qui ne montre aucune empathie, qui dit -peut-être, je ne me souviens pas- et qui s'est endormi pendant qu'on montrait les photos de l'autopsie" de sa fille.
Vendredi matin, durant tout le réquisitoire, il est resté prostré, la tête dans les genoux dans le box des accusés, sans jamais montrer son visage. La voie semble donc étroite pour la défense de Matthieu, qui s'exprimera dans l'après-midi. Jusqu'à présent les conseils du jeune homme ont fait le choix du silence, alors que malgré le huis clos, l'avocat et la famille d'Agnès se sont largement exprimés auprès de la presse.