Sans conteste l'avocat français le plus sulfureux depuis la libération, Jacques Vergès ancien résistant et militant anticolonialiste aura défendu les personnes les plus détestées de leur époque : Slobodan Milosevic, Sadam Hussein ou en 1987 à Lyon l'ancien officier SS Klaus Barbie.
Jacques Vergès, un des avocats les plus controversés et redoutés du barreau de Paris, est mort jeudi d'un arrêt cardiaque à l'âge de 88 ans, la profession saluant un chevalier" de la défense "courageux" et "indépendant", un "géant" parfois engagé "du mauvais côté".
Une clientèle on ne peut plus médiatique
Ce pénaliste narcissique et médiatique a eu une vie de personnage de roman: résistant,
encarté au PCF qu'il quitte en 1957 car "trop tiède" sur l'Algérie, militant anti-colonialiste
- il épousera d'ailleurs Djamila Bouhired, héroïne de l'indépendance et poseuse de bombes du FLN algérien, condamnée à mort mais finalement graciée -, il s'était imposé comme le défenseur de personnalités condamnées par l'Histoire au motif que, selon lui, "les poseurs de bombes sont des poseurs de questions".
De petite taille, rond, le visage lisse et ironique, arborant fines lunettes rondes
et coupe en brosse, cet amateur de cigares était proche de personnalités politiques du monde entier mais aussi de militants de l'ombre, tels les membres de l'internationale terroriste des années 70 et 80, le "révolutionnaire" vénézuélien Carlos, l'activiste libanais Georges Ibrahim Abdallah, le criminel de guerre nazi Klaus Barbie, le dictateur yougoslave Slobodan Milosevic ou l'ancien dirigeant Khmer rouge Kieu Samphan.
Pour Maître Jakubowicz : "ce qui comptait c'était lui"
A contre courant des propos élogieux entendus, l'avocat lyonnais Me Alain Jakubowicz, président de la Licra, a affirmé vendredi que Jacques Vergès "n'a jamais été un modèle d'avocat" pour lui, "au contraire".
Et Me Jakubowicz, qui représentait le Consistoire israélite de France devant la cour d'assises du Rhône lors du procès Barbie, d'expliquer : "J'ai passé plusieurs mois à ses côtés lors du procès Barbie, il ne m'a jamais adressé la parole et il a été parfaitement odieux, il a tenu des propos inqualifiables".
A la question "comment peut-on être l'avocat de Saddam Hussein?" posée par France
Soir en 2004, Vergès avait répondu: "Défendre Saddam n'est pas une cause perdue. C'est défendre (le président américain George W.) Bush qui est une cause perdue".
Maître Kiejman défend l'homme et ses errances
"Il n'y a pas beaucoup de géants au barreau, mais lui incontestablement en était un", avec "une période glorieuse quand il défendait le FLN algérien et une moins glorieuse quand il a commencé à défendre des mouvances terroristes comme la bande à Bader", a jugé l'avocat Georges Kiejman.
En 1970, Me Vergès avait disparu pendant huit ans, laissant depuis planer le mystère. Etait-il au côté de Palestiniens? Dans le Congo post-Lumumba? Au Cambodge de Pol Pot? Il se bornera à évoquer de "grandes vacances très à l'est de la France".