Le procureur d'Annecy et les enquêteurs français et britanniques ont affiché leur totale détermination à boucler l'enquête sur la tuerie de Chevaline au cours d'une très longue conférence de presse (1h30).Il ont aussi expliqué que la piste familiale n'était qu'une hypothèse parmi d'autres.
Assis côté à côte devant les caméras, le procureur d'Annecy, Eric Maillaud, chargé de coordonner l'enquête sur la Tuerie de Chevaline et les enquêteurs français et britanniques ont voulu démontrer leur totale détermination à trouver les coupables. Ils n'ont pas caché néanmoins les difficultés de compréhension mutuelle auxquelles ils sont confrontés dans la conduite des investigations, entre eux d'abord mais aussi pour aller enquêter sur l'héritage de la famille Al Hilli en Irak, pays en guerre.
En préambule, le procureur a établi une synthèse de l'enquête aussi claire que possible, n'écartant aucune piste. Il a souligné que le différend familial autour de l'héritage n'était qu'une hypothèse, même s'il pouvait représenter "un mobile sérieux et une raison suffisante" pour le meurtrier ou son commanditaire.
Eric Maillaud a ainsi évoqué le statut du frère aîné de Zaad Al Hilli, entendu à plusieurs reprises par la police britannique sur ses rapports conflictuels avec la principale victime. En aucun cas, a-t-il dit, il ne peut être pour autant qualifié de suspect n°1 mettant en lumière des différences d'approche entre les enquêteurs britanniques et les policiers français.
"S'il avait résidé en France, il aurait été placé en garde à vue", a-t-il concédé faisant néanmoins valoir que c'était parfaitement son droit de refuser de venir en France pour répondre aux questions des gendarmes. Tout en s'empressant de dire que cela ne faisait pas de lui un coupable en puissance. On touche là du doigt la complexité d'une enquête menée conjointement de part et d'autre de la Manche avec des droits différents, voire des interprétations contradictoires...
Le procureur est toutefois revenu en détail sur le climat de haine qui régnait entre les deux frères au moment du meurtre. La victime enregistrait toutes ses conversations téléphoniques et il avait même emmené tous ses dossiers personnels avec lui en vacances, dans sa caravane. "Une forme d'obsession" mêlée à un sentiment de peur. L'origine du différend entre les deux frères reposait depuis longtemps sur la succession de la famille estimée à 3 à 4 millions d'Euros, patrimoine partiellement bloqué en Irak. Le frère aîné, désigné un moment comme l'héritier principal,aurait tenté de détourner l'argent et de spolier Saad, son frère, provoquant de vives tensions familiales. Saad al Hilli aurait réussi ensuite à regagner la confiance du père de famille, aiguisant la susceptibilité de son frère, blessé dans son orgueil. D'où une rancoeur tenace.
Maintenant, si cette piste est toujours considérée avec beaucoup de sérieux, d'autres hypothèses restent envisagées, comme l'espionnage industriel. La victime stockait nombre de données qui correspondaient à son activité liée à l'utilisation de satellites civils et bien d'autres... La piste du "transfert de technologie " n'est pas non plus abandonnée.
S'agissant les conditions du meurtre lui -même, le procureur a confirmé qu'il s'agissait du travail d'un "tireur unique et très expérimenté' qui avait tiré 21 balles sur des cibles en mouvement, touchant mortellement ses victimes mais sans jamais abîmer la carrosserie. L'arme utilisée, un 7/65 Parabellum suisse de marque Lüger est une arme "intraçable", à moins de tomber précisément sur elle.
Le tireur n'aurait pas agi seul. La gendarmerie essaie toujours d'identifier une moto et une grosse BMW de couleur sombre qui auraient été vues dans les parages et qui auraient disparu après le drame.
Quant aux deux survivantes, les deux fillettes retrouvées sur les lieux du drame, l'une gravement blessée,l'autre camouflée sous les jupes de sa mère,elles n'auraient pas été d'un grand secours aux enquêteurs. Elles sont aujourd'hui protégées et tenues à l'écart de l'enquête pour faciliter leur reconstruction personnelle...