L'association Acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET) a vertement critiqué, mardi, le dispositif de fin de conflit proposé par le gouvernement, une partie de ses membres le jugeant même "inacceptable" selon son président Maurice Vincent, maire (PS) de Saint-Etienne.
Ce que prévoit le projet de budget 2014
Dans son article 60, le projet de budget 2014 organise la constitution d'un fonds de soutien aux collectivités locales et organismes publics aux finances grevées par des emprunts toxiques, qui sera doté chaque année de 100 millions d'euros sur une durée maximale de 15 ans, soit 1,5 milliard sur la décennie.Ce fonds serait abondé pour moitié par l'Etat, pour l'autre par les banques dont la taxe de risque systémique payée va être relevée, et couvrirait "au plus 50%" des indemnités de remboursement anticipé des emprunts les plus sensibles contractés par les collectivités, selon l'APCET.
L'Etat juge et parti
Lors d'une conférence de presse suivant l'assemblée générale de l'association, Maurice Vincent a estimé que, en soi, la création de ce fonds "va dans le bon sens", mais a aussi exprimé "questions et inquiétudes" alors que les collectivités ont "fait une partie du chemin" en faveur d'un règlement. Dans ce projet, a-t-il regretté, "la gestion du fonds donne à l'Etat une position de juge et partie" car il "détient les clés des conditions l'accès (au fonds) alors qu'il est actionnaire principal de la Sfil", l'une des principales banques concernées.La Sfil est détenue par des capitaux publics et a repris une partie des activités de Dexia, l'ex-financeur des collectivités locales qui a été démembré pour le sauver de la faillite.
Renoncer à tout recours juridique
Les élus refusent l'obligation qui serait faite pour accéder au fonds de renoncer à tout contentieux, en cours ou à venir, à l'encontre des banques. Ce dispositif dit "loi de validation" des emprunts toxiques vise à stopper l'inflation des contentieux, depuis un jugement, rendu à Nanterre en février dernier, favorable au requérant, le Conseil général de Seine-St-Denis.Selon le vice-président de l'APCET Christophe Favergeon (UMP, Ain), cela revient à "supprimer la principale arme juridique des collectivités". Pour le député-maire d'Asnières (Hauts-de-Seine) Sébastien Pietrasanta,"il ne peut y avoir de préalable" et il ne peut être question de renoncer à agir en justice "avant de savoir à hauteur de quels montants la collectivité sera éligible au fonds".
"C'est pas gagné pour trouver une majorité"
Pour le maire de Villeneuve-Maguelonne (Hérault), Noël Segura (DVG), et son conseilmunicipal cela "ressemble étrangement à du chantage" et "une pression inacceptable".
Stéphane Troussel (Seine-St-Denis) a parlé d'"un marché de dupes". "C'est pas gagné"
d'avance pour le gouvernement de "trouver une majorité", a-t-il averti.
En tout état de cause, a-t-il dit, les élus veulent être "associés à la rédaction du décret d'application" de l'article 60, a réclamé M. Vincent.
De quoi s'agit-il?
L'affaire des emprunts toxiques concerne quelque 1.500 collectivités ou organismes
publics (hôpitaux, habitat social, notamment), dont une centaine sont adhérents à l'APCET.
Elles avaient contracté dès les années 90 des prêts à des taux extrêmement volatils, selon des formules très complexes, avec souvent indexation des intérêts d'emprunts sur des cours de monnaies (dollar, yen).
La crise des subprime a fait exploser les taux d'intérêts de ces acteurs publics. Cette affaire a généré au moins 300 contentieux, dont 200 à 250 auprès de Dexia et de la Sfil. Le stock de la dette toxique est évalué à 14 milliards d'euros.