Humiliations quotidiennes, isolement, terreur des petites victimes, voire dépression: le gouvernement lance mardi une nouvelle campagne contre le harcèlement scolaire. Aurélie, âgée de 22 ans aujourd'hui, se souvient de son calvaire alors qu'elle était en 4ème dans un collège de Moulins (Allier).
Touchant environ un enfant sur dix en primaire et au collège, le harcèlement peut aller du vol de goûter ou des moqueries aux insultes, brimades ou menaces, jusqu'aux coups, au racket ou aux violences sexuelles. Le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon va en fait relancer mardi la campagne "Agir contre le harcèlement à l'école" mise en place en 2012 pour combattre ce phénomène via internet et la télévision. Il peut s'appuyer désormais sur la nouvelle délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire qu'il a créée pour "briser le silence" et trouver des solutions.
D'abord moquée, puis menacée et agressée physiquement lorsqu'elle était en quatrième, Aurélie, aujourd'hui âgée de 22 ans, a été victime de ce harcèlement scolaire. Cas typique de ce harcèlement, Aurélie se remémore avoir été "la victime idéale": "En cinquième, j'étais une gamine très épanouie, joyeuse, toujours avec mes copines. Mais en quatrième, je me suis retrouvée toute seule".
Dès le premier jour d'école, dans son collège près de Moulins (Allier), quatre garçons se moquent d'elle, alors qu'elle attend devant la classe: "Tu as vu ta coupe de cheveux ?", ou encore "tu as vu ton nez ?". "Je n'ai pas trop répondu, car je ne savais pas quoi dire. Ma mère me disait de les ignorer", explique Aurélie. Mais les collégiens continuent avec des surnoms "de plus en plus humiliants" et toujours des réflexions sur le physique: "T'es grosse !", "tu ressembles à rien !".
Je vomissais tous les matins, mon corps tremblait entièrement. C'était comme aller à l'abattoir. - Aurélie
Deux mois après la rentrée, le harcèlement devient physique, d'abord avec un croche-pied en plein cours, puis des bousculades. "Ils ont commencé à me pousser dans les escaliers, à me déséquilibrer en tirant mon cartable ou à me donner des coups d'épaule pour que je me prenne le mur", raconte Aurélie. "Ils me tiraient aussi les cheveux, m'envoyaient des morceaux de gomme en classe, donnaient des coups de ciseaux dans mes vêtements ou écrivaient sur mon cartable", ajoute-t-elle. Ses résultats scolaires sont bons, mais elle est "terrifiée" à l'idée d'aller au collège. "Je vomissais tous les matins, mon corps tremblait entièrement. C'était comme aller à l'abattoir", se rappelle Aurélie, alors victime de pelade. En décembre, elle consulte un pédopsychiatre --elle le verra pendant un an et demi-- qui lui diagnostique "une dépression sévère".
Quand elle prend les choses en main, sa mère se retrouve confrontée à l'attentisme du collège. "Le proviseur a dit qu'il ne pouvait rien faire parce que ces enfants avaient des difficultés familiales, contrairement à moi", assure Aurélie. Des professeurs la soutiennent, sans rien faire de plus que de la garder en classe pendant la récréation ou recadrer régulièrement ses agresseurs.
La mutation de son père et le changement d'établissement qui s'ensuit mettent fin au cauchemar. Mais, au final, aucune sanction n'a été prise, "pas même une heure de colle", regrette encore aujourd'hui cette étudiante en droit, qui tient un blog sur le harcèlement scolaire. "Ça reste à vie", dit Aurélie, évoquant ses cicatrices, toujours visibles sur ses avant-bras. Pendant deux ans, elle s'est mutilée avec un cutter: "C'était un moyen d'évacuer ce qui se passait et de me réapproprier mon corps. Ca ne durait que quelques secondes, mais quelques secondes où j'étais bien".
La campagne gouvernementale comporte un volet de lutte contre le cyberharcèlement, qui peut pendre la forme d'insultes, moqueries, mais aussi propagation de rumeurs, piratage de comptes et usurpation d'identité digitale, publication de photos ou de vidéos de la victime en mauvaise posture.