Lors d'une conférence de presse organisée mardi 3 décembre 2024, la présidente de l'université de Franche-Comté, Macha Woronoff, a lancé un cri d'alerte contre le projet de loi de finances 2025. La raison : quasiment toutes les universités présenteront des budgets initiaux 2025 en déficit.
"L'université publique est malmenée depuis de nombreuses années", entame Macha Woronoff, présidente de l'université de Franche-Comté. "Mais à cet instant, ce n'est ni supportable, ni acceptable. Il est très probable que les deux tiers des universités françaises publiques soient en déficit en 2024", lance la présidente de l'université de Franche-Comté lors d'une conférence de presse mardi 3 décembre 2024, jour de mobilisation nationale des universités contre le projet de loi de finances 2025.
Nous sommes dans un moment charnière qui remet en cause les fondamentaux sur lesquels la société française s'est construite.
Macha Woronoff, présidente de l'université de Franche-Comté
Cette mobilisation nationale des présidents et présidentes d'universités est "d'une ampleur que l'université française n'a probablement pas connue depuis de 30 ans", contextualise Macha Woronoff. Et c'est la présentation du projet de loi de finances 2025 au conseil des ministres, le 10 octobre 2024, qui a mis le feu aux poudres. La communauté universitaire s'inquiète en effet d'une aggravation des difficultés budgétaires des établissements d'enseignement supérieur. Le 30 octobre 2024, 88 présidentes et présidents d'universités ont signé une tribune dans Les Echos intitulée "Budget 2025 : soutenez les universités !".
500 millions d'euros de charges supplémentaires
Les universités publiques vont devoir faire face à de nouvelles charges non compensées de 500 millions d'euros pour 2025, dont 310 millions d'euros en masse salariale. "Les présidents et présidentes d'université ont prévenu qu'ils ne pourraient plus absorber ces charges supplémentaires", rappelle la présidente de l'université de Franche-Comté.
Une alerte restée selon elle sans réponse du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation : "Au contraire, nous avons vu apparaître le 20 novembre dernier la création d'un fonds de solidarité qui serait prélevé sur les subventions que reçoivent les universités". La création de ce fonds a exacerbé les tensions, suscitant ce mouvement inédit et contraignant le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche à geler provisoirement cette mesure.
Je me positionne dans une posture de solidarité avec toutes les universités françaises publiques.
Macha Woronoff, présidente de l'université de Franche-Comté
Dès le 22 novembre, Macha Woronoff a publié un communiqué de presse repris par la plupart des universités françaises. Elle a également adressé un courrier aux huit sénateurs de Franche-Comté pour alerter sur la gravité de la situation.
3 millions d'euros de déficit pour l'université de Franche-Comté
L'université de Franche-Comté doit faire face depuis 2022 à près de 5 millions d'euros de charges supplémentaires liées aux mesures salariales. "Nous considérons que cette augmentation était nécessaire face à des salaires qui n'avaient pas bougé depuis des années. Mais il n'est pas normal que nous n'ayons pas en face les ressources pour y faire face", livre-t-elle.
Au total, de 2022 à 2025, c'est à plus de 9 millions d'euros de charges non compensées que l'université de Franche-Comté doit faire face. Pour les budgets initiaux de 2025, le déficit de cette université s'élève à 3 millions d'euros.
Le constat objectif est que les universités ne disposent d'aucune flexibilité financière si l'État ajoute de nouvelles charges sans les compensations correspondantes.
Macha Woronoff, présidente de l'université de Franche-Comté
Quelles répercussions concrètes sur les universités ?
Sans compensations, les universités ne pourront plus assumer l'intégralité de leurs missions. Ce projet de loi de finances aura un impact sur la santé et l'inclusion : les universités auront notamment plus de difficulté à financer les projets liés à la santé mentale des étudiants.
Elles ne pourront plus pallier la saturation des infrastructures comme la bibliothèque université santé de Franche-Comté, incapable d'accueillir davantage d'étudiants. Les établissements seront aussi dans l'impossibilité d'avancer sur la transition écologique et la rénovation des bâtiments.
Les universités seraient également contraintes de baisser les capacités d'accueil sur Parcoursup et de fermer des sites universitaires délocalisés, éloignant ainsi l'enseignement des territoires ruraux. "Ça reviendrait à fermer des antennes comme Lons-le-Saunier, Dole, voire même Vesoul", explique-t-elle.
La présidente de l'université de Franche-Comté s'oppose fermement à la solution d'augmenter des frais d'inscription : "Pour le ministre, la question des droits d'inscription ne doit pas être un tabou, mais c'est certainement oublier que l'université publique accueille une très forte proportion d'étudiants issus des classes les plus modestes. Entre 35 et 45 % des étudiants sont boursiers". D'autre part, selon elle, plus de 50 % des étudiants sont obligés de travailler pendant leurs études. "Cette augmentation va les pénaliser lourdement".
Les universités demandent ainsi une compensation intégrale des nouvelles charges, une augmentation significative des subventions publiques et un renforcement des moyens pour les missions prioritaires : inclusion, santé mentale, transition écologique, patrimoine immobilier.