A l'initiative des syndicats et des partis de gauche, les Suisses vont voter, le 18 mai, sur l'instauration d'un salaire minimum de 4.000 francs suisses bruts (3.300 euros) ou 22 francs suisses de l'heure (18 euros), considéré comme un seuil incontournable dans le pays.
Ce salaire minimal, s'il est adopté, sera le plus élevé au monde. A titre de comparaison, le salaire horaire minimal en France est de 9,43 euros. En Espagne, il est de 5,05 euros et en Allemagne il sera à 8 euros à partir de 2015.
Depuis plusieurs semaines, le débat entre partisans et opposants fait rage en Suisse, les prises de position apparaissant presque chaque jour pour condamner ou approuver l'initiative.
Selon les derniers sondages, ce texte, qui a pour but de donner "un salaire digne" aux quelque 330.000 personnes qui travaillent pour moins que ce montant en Suisse, a cependant de fortes chances d'être massivement refusé par la population, qui craint que de tels minima salariaux aboutissent à une hausse du chômage.
Selon un sondage publié le 7 mai et réalisé fin avril, 64% des Suisses vont voter contre ce texte. 6% se déclarent indécis et 30% sont pour.
De nombreuses professions sont concernées par ce texte, comme les métiers de la vente, l'hôtellerie-restauration, l'agriculture, les métiers liés au nettoyage, la coiffure.
"Un pays fort a besoin de salaires justes, et avec ce texte, c'en sera fini des employeurs qui poussent les salaires à la baisse", et qui font jouer la concurrence en menaçant d'embaucher des étrangers moins bien payés, indiquent les promoteurs du texte.
Emplois en danger
Les opposants, soit le Conseil Fédéral (gouvernement), les partis de droite et les organisations patronales, et même un syndicat, celui des employés, clament haut et fort de leur côté que ce texte ne résoudra pas le problème du soutien des personnes à bas revenus.
Pour le gouvernement, "ce salaire minimal exigé mettrait des emplois en danger et rendrait l'accès à la vie professionnelle encore plus difficile pour les personnes peu qualifiées et les jeunes".
Selon Philippe Leuba, ministre de l'Economie dans le canton de Vaud, et ardent opposant au texte, il vaut mieux un jeune gagnant 3.600 francs suisses par mois qu'un jeune au chômage, car le patron ne voudra pas payer un salaire aussi élevé.
Les milieux agricoles sont également farouchement opposés au texte
Dans l'agriculture, le salaire horaire moyen est de 15 francs suisses, et le texte du 18 mai inquiète beaucoup les milieux agricoles.
Si le texte est adopté, le prix des fruits et légumes augmentera de 25%, pour financer la hausse des salaires, selon les organisations professionnelles, un montant inimaginable face à la concurrence des produits importés.
En Suisse, le salaire minimum pour un collaborateur sans formation dans ce secteur est de 3.200 francs suisses, réglé par une convention collective de travail (CCT). Par rapport à l'étranger, ces conditions de travail sont bonnes et les salaires sont élevés, indiquent Fruit-Union et l'Union maraîchère, les deux organisations professionnelles du secteur.
De nombreux ouvriers agricoles toucheraient même plus que leur patron, selon l'Union paysanne suisse. Le salaire moyen d'un agriculteur suisse, propriétaire de son exploitation, est de 3.600 francs suisses.
21 pays sur 28 disposent d'un salaire mimimum légal dans l'UE
"Nous avons le taux de chômage général et le taux de chômage des jeunes les plus bas d'Europe (3,2% et 3%), nous avons les salaires les plus élevés au monde, notre système est basé sur les conventions collectives de travail, et cela marche", martèle Stéphanie Ruegsegger, de la Fédération des entreprises romandes, qui représente 40.000 entreprises. Et l'adoption d'un salaire minimum de 4.000 francs suisses "casse le système", ajoute-t-elle.
Dans l'Union Européenne, 21 pays sur 28 disposent d'un salaire minium légal. L'Allemagne l'appliquera en 2015.
Des votes ont déjà eu lieu en Suisse, au niveau cantonal, sur l'adoption d'un salaire minimum. Le principe a été accepté dans les cantons de Neuchâtel et du Jura. Dans les cantons de Vaud et de Genève, il a été refusé.
Le système de démocratie directe en Suisse permet d'organiser des référendums sur un texte donné pour autant que ses partisans aient obtenu le nombre de signataires prévus par la constitution. Pour un referendum au niveau fédéral, il faut 100.000 signatures.