Armé d'un fusil à pompe, Laurent Rambaud avait tiré deux fois sur un homme surpris dans sa truffière, quelques jours avant Noël 2010, sur fond de "guerre des diamants noirs". L'agriculteur de 37 ans comparaît à partir de mardi devant la cour d'assises de la Drôme.
Mis en examen dans un premier temps pour "assassinat", le trufficulteur, qui a effectué 12 mois de détention provisoire, sera finalement jugé pour "meurtre", l'instruction n'ayant pas retenu la préméditation. Il encourt 30 ans de réclusion.
Le drame était survenu à Grignan (Drôme), le 20 décembre 2010, à une période de vives tensions entre voleurs de truffes et producteurs de ce tubercule de luxe, qui se négocie entre 800 et 1.000 euros le kilo au moment des fêtes.
Se plaignant de vols à répétition, Laurent Rambaud, alors président des Jeunes agriculteurs de la Drôme, pompier volontaire, agriculteur et exploitant de truffières, avait décidé ce soir-là de se rendre sur le terrain familial, armé d'un fusil chargé de deux cartouches.
Après avoir traversé plusieurs parcelles, il avait surpris un homme tenant un objet dans une main et accompagné d'un chien. Le prenant pour un voleur de truffes, Laurent Rambaud s'était accroupi, puis il avait ouvert le feu alors que l'homme se tenait debout, à une quinzaine de mètres. Avant d'aller à sa rencontre et de le pousser en arrière.
Croyant l'homme armé, il avait tiré un second coup. En boule sur le sol, la victime s'était relevée avant de s'écrouler morte quelques mètres plus loin. Elle sera très vite identifiée : Ernest Pardo, 43 ans, très connu localement comme chercheur de truffes chevronné, surnommé "Néné" ou "grands pieds" à cause des traces qu'il laissait sur son passage.
Réalisant son crime, Laurent Rambaud avait immédiatement prévenu son père, les pompiers et un gendarme qu'il connaissait.
Tué pour une poignée de truffes ?
L'accusé "est à l'antithèse d'une personne qui pourrait volontairement tirer sur quelqu'un pour une poignée de truffes, il s'est senti menacé", souligne aujourd'hui son défenseur, Me Alain Fort. Sa victime, en réalité, n'avait à la main qu'une petite pioche. Mais l'avocat rappelle le contexte "particulier" de l'époque, autour d'une véritable "guerre des truffes" : "des gens qui avaient peur, obligés de faire des surveillances, de marquer une présence".
Les producteurs de la région "ont tout essayé" pour protéger leurs diamants noirs : mettre des clôtures, des alarmes sonores, mais "cela ne marchait pas". Nombre d'entre eux, selon Me Fort, "ont été confrontés à des voleurs armés".
Après les deux tirs, le père de Laurent Rambaud s'était précipité sur place et avait remplacé le fusil à pompe - non déclaré - par son fusil de chasse, pour protéger son fils. Il a été mis en examen pour avoir ainsi modifié la scène de crime.
Selon Me Stéphane Simonin, avocat de la veuve de M. Pardo et de ses deux filles, "si ce soir-là, à cette heure-là, il (M. Rambaud) va à cet endroit, c'est parce qu'il sait qu'il est susceptible d'y croiser quelqu'un dont on parle depuis quelque temps". "Ce n'est pas anodin d'aller grimé, en tenue de amouflage, armé jusqu'aux dents, faire feu à deux reprises", souligne-t-il.
Ernest Pardo, brancardier de profession, habitait la commune voisine de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Il était connu de la justice pour des affaires de vol, "mais pas de truffes", selon son conseil. "Il avait un chien truffier et en cherchait pour des gens, cela se fait dans la région, c'est une espèce d'arrangement".
Ce drame avait réveillé les passions et délié les langues. Deux jours après les faits, au marché truffier de Richerenches (Vaucluse), le plus important d'Europe en volume, les producteurs avaient exprimé un soutien sans faille au tireur. Tandis qu'à Saint-Paul-Trois-Châteaux, 300 personnes avaient défilé pour "Néné" qui "ne méritait pas d'être tué comme un chien".
Le rappel des faits avec Hugo Chapelon :