La cour d'appel de Lyon doit se prononcer aujourd'hui sur le pourvoi de Monsanto, reconnu "responsable" en première instance en 2012 de l'intoxication de Paul François et condamné à "indemniser entièrement" l'agriculteur charentais, partiellement handicapé et qui souffre d'importantes séquelles.
Paul François, céréalier charentais gravement intoxiqué en 2004 par le Lasso, un herbicide commercialisé par Monsanto, sera peut-être le premier en France à faire condamner le géant agrochimique américain.
La vie de l'agriculteur bascule le 27 avril 2004, lorsqu'il vérifie une cuve ayant contenu du Lasso - un herbicide pour le maïs - et qu'il inhale des vapeurs toxiques. Pris de malaise, il a juste le temps d'expliquer ce qui vient de se produire à son épouse avant de finir aux urgences, crachant du sang. Après cinq semaines d'arrêt, il reprend son travail mais souffre d'importants problèmes d'élocution, d'absences, de maux de tête violents. Fin novembre, il s'effondre sur le carrelage de sa maison, où ses filles le découvriront inconscient.
S'ensuit une longue période d'hospitalisation durant laquelle les médecins craindront plus d'une fois pour sa vie, sans jamais faire le lien avec l'herbicide de Monsanto. "D'examen en examen, de coma en coma, on a fini par trouver une importante défaillance au niveau cérébral. Là, ma famille a commencé à faire son enquête sur le Lasso", à ses frais, explique l'agriculteur. Il faudra attendre mai 2005 pour identifier le coupable : le monochlorobenzène, solvant répertorié comme hautement toxique et entrant à 50% dans la composition de l'herbicide.
Une maladie professionnelle
L'intervention du Pr André Picot, toxicologue de renom, aura probablement été déterminante. Appelé alors au chevet du président ukrainien Viktor Iouchtchenko, empoisonné à la dioxine, il découvre l'existence d'un traitement expérimental à base d'algues, qui permet de capter la molécule toxique dans l'organisme. De retour en France, le Pr Picot le propose à Paul François.
A peine remis, la lutte contre la maladie cède la place au combat juridique. D'abord, pour faire reconnaître sa rechute comme maladie professionnelle, officialisée en 2010. Puis contre la firme Monsanto, dont il est convaincu qu'elle connaissait les dangers du Lasso bien avant son interdiction en France,
en novembre 2007. L'herbicide avait en effet été jugé dangereux et retiré du marché au Canada dès 1985 et depuis 1992 en Belgique et au Royaume-Uni.
Cela n'a pas empêché le défenseur du groupe chimique de répéter, lors de l'audience d'appel en mai, que son produit "n'était pas dangereux" et que "les dommages invoqués n'existent pas".
A âgé de 51 ans, Paul François a fondé Phyto-Victimes, une association d'aide aux victimes des pesticides.