Ambérieu commémore les 80 ans du sabotage de 52 locomotives dans la nuit du 6 au 7 juin 1944

Pour tous, le 6 juin est synonyme du débarquement en Normandie et de la libération. Pour les habitants d'Ambérieu-en-Bugey, c'est aussi l'occasion de saluer la mémoire des cheminots et des résistants qui ont saboté 52 locomotives en gare, évitant à l'agglomération des bombardements meurtriers. Notre équipe de France 3 Ain a rencontré le fils d'un de ces cheminots, Jacky Magdelaine qui entretient la mémoire de cet événement.

Le sabotage du centre ferroviaire d'Ambérieu-en-Bugey : c'est une opération très ambitieuse qui a eu lieu dans le sillage immédiat du débarquement en Normandie, et qui a été un peu éclipsée par le D Day. Pourtant, à Ambérieu, le souvenir de la nuit du 6 au 7 juin 1944 reste vivace, grâce à des gens comme Jacky Magdelaine. 

En effet, ce fils de cheminot, intarissable, se fait un devoir de transmettre le souvenir de l'exploit réalisé par des résistants du maquis de l'Ain et du Haut-Jura emmenés par des employés des chemins de fer. 

Huit colonnes de saboteurs et près de 80 explosions 

Cette nuit-là, son père André Magdelaine et sept autres cheminots prennent chacun la tête d'une colonne composée de maquisards et d'enfants de troupe de l'école militaire d'Autun, en armes, pour aller saboter cinquante-deux locomotives et trois plaques tournantes, qui servent à orienter les machines sur les différentes voies. 

C'était très important de saboter en même temps les plaques tournantes. Parce qu'une plaque sabotée, ça voulait dire que les locos qui sont sur la rotonde correspondante étaient bloquées pour plusieurs jours

Jacky Magdelaine, fils de cheminot résistant

Saboter les trains pour éviter les bombardements

L'enjeu est de taille : éviter au bassin d'Ambérieu la dévastation occasionnée par les bombardements alliés. Car les cheminots et les résistants ont tous entendu parler des destructions très meurtrières autour des infrastructures ferroviaires dans les semaines précédentes, pour empêcher les Allemands d'acheminer des renforts en Normandie.

Les conséquences de ces opérations sont terribles : le 26 mai, 900 bombardiers américains de l'US Air Force décollent de trois aérodromes de la région de Foggia, dans le sud de l'Italie, chargés de centaines de tonnes de bombes explosives, incendiaires et à retardement.

Les gares de Chambéry, Lyon-Vaise et Saint-Etienne sont visées, mais la dévastation est immense. 1000 morts à Lyon, autant à Saint-Etienne et 200 tués et 300 blessés à Chambéry.

Bloquer les renforts venus d'Italie

Alors à Ambérieu, cette nuit de juin 1944, tous ont en tête l'importance de la mission : détruire les locomotives ici, c'est bloquer les renforts allemands puisque le centre ferroviaire d'Ambérieu-en-Bugey se situe au carrefour des lignes Bourg-Paris, Bourg-Strasbourg, Lyon-Marseille, Culoz-Genève, Culoz-Chambéry et vers l'Italie où d'importantes garnisons sont stationnées.

L'affaire est millimétrée : à une heure du matin, une sirène antiaérienne sonne sur commande, provoquant temporairement la mise à l'abri de la garnison allemande composée d'une cinquantaine d'hommes.

Les commandos vont alors en profiter pour placer des charges explosives avec des crayons regardeurs de trente minutes. Le temps nécessaire pour aller et revenir dans un dédale de voies et de bâtiments, le tout dans une nuit noire et... sous la pluie.

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interview de Jacky Magdelaine, fils d'un cheminot qui a pris part au sabotage massif du centre ferroviaire d'Ambérieu en Bugey dans la nuit du 6 au 7 juin 1944. ©France Télévisions

Du travail d'orfèvre

Très vite pourtant, les tirs vont fuser, dans le noir. Sous la mitraille, Jacky Magdelaine explique que les cheminots pousseront la subtilité jusqu'à saboter exactement la même pièce sur les cinquante-deux locomotives : "C'était le cylindre basse pression du côté droit, pour que des machines ne puissent pas être réparées avec les pièces des autres".

Le succès est tel que les Allemands pensent avoir été victimes de commandos anglais, les célèbres SAS et n'exerceront pas de représailles sur la population civile.

Pourtant, sur le moment, les cheminots et maquisards n'en mènent pas large. Et Jacky de se rappeler que son père disait souvent qu'à ce moment là "ils n'étaient pas fiers" (...) "Ils ont eu beaucoup de chance de tous s'en sortir"

Le silence des héros

Puis, l'événement a disparu des mémoires pendant quarante ans, puisque les principaux acteurs n'ont rien dit. "J'ai appris le déroulé de tout ça quand il y a eu le quarantième anniversaire, confie Jacky. Pendant  quarante ans, ils n'ont rien dit du tout."

Je leur ai reposé la question souvent. Ils ont dit "on l'a fait parce qu'il fallait bien que quelqu'un le fasse". Moi, je ne connais pas d'autre définition du courage et de l'honneur.

Jacky Magdelaine, fils de cheminot résistant

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interview de Jacky Magdelaine, fils d'un cheminot qui a pris part au sabotage massif du centre ferroviaire d'Ambérieu en Bugey dans la nuit du 6 au 7 juin 1944. ©France Télévisions

Fier de son père ... "certainement plus que lui"

Depuis, les années ont passé, les cheminots se sont regroupés en association. Puis ils sont morts les uns après les autres et aujourd'hui, c'est Jacky qui est porte-drapeau lors des commémorations. Il est évidemment de celle du 6 juin 2024. Et quand on lui demande s'il est fier de son père, il répond du tac au tac : "ah oui alors, certainement plus que lui". 

 

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