Les alchimistes rêvaient de transformer le plomb en or. Aujourd'hui, ce sont nos ordures qui pourraient devenir un véritable trésor. L'enjeu est particulièrement fort dans les entreprises du bâtiment et des travaux publics, qui génèrent une montagne de déchets : béton, verre ou vieux tuyaux, ce sont plus de 300 millions de tonnes qui finissent à la benne chaque année. En Auvergne-Rhône-Alpes, toute une filière de réemploi est en train de voir le jour.
C'est l'équivalent d'une montagne... Selon l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 326 millions de tonnes de déchets ont été produites en 2017 en France. Et 224 millions pour le seul secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).
Celui-ci regroupe les activités de construction, de rénovation, de démolition des bâtiments publics ou privés, soit 650 000 entreprises. Un secteur pour qui la problématique des déchets ne figurait pas comme une priorité.
Et pourtant, sur nos chantiers, la production de déchets est près de deux fois plus importante que dans les autres pays européens : 3,4 tonnes par habitant contre 1,8 en moyenne. Il y a les déchets inertes (70 %), qui regroupent les matériaux naturels non souillés, comme le béton, les pierres, briques, tuiles, carrelages, terres, déblais et autres gravats non pollués. Viennent ensuite les déchets non inertes non dangereux, type bois, plastiques, produits métalliques et de revêtement comme les peintures, vernis et colles sans solvants, mais aussi les emballages, les absorbants et les chiffons, qui ne contiennent pas de matières nocives pour la santé ou l'environnement. Enfin, il y a les déchets dangereux, qui représentent moins de 2 % de l’ensemble, qui contiennent des éléments toxiques dont la dangerosité justifie une attention particulière. C'est le cas notamment des huiles usagées, des piles et accumulateurs, des déchets d'équipements électriques et électroniques ou amiantés, des véhicules hors d'usage.
Gérer et valoriser les déchets de chantier
Les entreprises du secteur sont désormais dans l’obligation de mettre en place une gestion de leurs déchets, l’enfouissement et les décharges sauvages étant strictement interdits.
Objectif principal : le réemploi. Il est largement encouragé par les nouvelles réglementations, notamment la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) et la loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire), d'autant qu'il permet de préserver les ressources tout en réduisant le rebut. Une bénédiction en période d'inflation et de pouvoir d'achat en berne.
Des initiatives fleurissent en Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2019. Exemple : l’EPFL (établissement public foncier) de la Savoie, qui déploie un dispositif visant à ne plus mettre à la benne des matériaux réemployables. Dédié aux professionnels, le système repose sur l’élaboration de fiches ressources, avec un descriptif et des photos des matériaux susceptibles d’être récupérés sur chaque opération de démolition. Ces fiches sont envoyées aux entreprises inscrites sur une liste de diffusion, établie avec l’appui des organisations et syndicats professionnels comme la CAPEB (Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment).
Depuis l’instauration de ce système, chaque démolition attire des entreprises, qui viennent chercher gratuitement chauffe‑eau, chaudières, tuiles écailles ou bois. Sans transformer les chantiers « en foires à la brocante » non plus.
On l'a compris, c'est tout l’écosystème du BTP qui va devoir évoluer. C'est ainsi qu'a été mise en place le 1ᵉʳ janvier 2023 une nouvelle filière Responsabilité Élargie des Producteurs (REP) pour les produits et les matériaux de construction du bâtiment.
Quatre éco-organismes agréés (ECOMAISON, ECOMINERO, VALDELIA et VALOBAT) sont mandatés pour développer le réemploi et le recyclage des déchets du bâtiment et lutter contre les dépôts illégaux. Des points de collecte sont ouverts (principalement des distributeurs), afin de permettre une reprise sans frais des principaux déchets dès lors que l’entreprise les a apportés, triés.
À terme, d'ici à 2026, les entreprises devraient avoir un point de collecte (déchetterie professionnelle ou de collectivité), tous les 10 km en zone urbaine ou 20 km en zone rurale.
D'autres projets sont en cours de déploiement en Auvergne-Rhône-Alpes, dont les matériauthèques qui fonctionnent sur le principe des ressourceries. Elles donnent une seconde vie à des matériaux qui étaient destinés à être jetés.
La matériauthèque de Montanges dans l’Ain récupère des dons de particuliers ou d’entreprises pour les revendre. Un cercle vertueux et économique.
Retrouvez tous les épisodes de "L'Info en plus Climat" sur France.tv.