C'est un procès à huis clos devant la cour criminelle de l'Ain qui s'est achevé lundi 23 septembre par la condamnation d'un septuagénaire. L'homme était jugé pour viols incestueux et agressions sexuelles commis sur ses trois de ses petites-filles. À la sortie du palais de justice de Bourg-en-Bresse, les parties civiles avaient le sentiment d'avoir été entendues. Réactions.
C'est une jeune femme qui n'aime pas le mot "victime". Elle lui préfère le terme de "guerrière". Et elle est venue à bout d'un difficile combat. Les juges de la cour criminelle de l'Ain viennent de condamner son grand-père à une peine de 12 ans de réclusion criminelle. À sa sortie du palais de justice, lundi soir, Lee-Lou était tout sourire.
"Il ne faut plus avoir peur"
"Franchement, je ne m'attendais pas à autant. On attendait une peine de 6 à 8 ans, c'est ce qu'avait dit notre avocate. On a eu 12 ans, c'est énorme. Être reconnue en tant que victime, même si je n'aime pas ce mot, c'est un grand soulagement. On attendait vraiment ça de la part des juges et on a été reconnues", explique Lee-Lou. Plus que du soulagement. La jeune femme, qui apparaît sereine, a le sentiment d'avoir remporté une victoire.
Pour la jeune femme, sa cousine Lily a joué "un rôle clef" dans cette sombre affaire d'inceste. En 2022, c'est elle qui a révélé ce qu'elle subissait depuis deux ans. Des viols commis par son grand-père. Sur un petit mot, glissé dans une boîte aux lettres de l'association "Les Papillons", la fillette a expliqué avec des mots d'enfants de 10 ans son calvaire. ""Il met sa partie du bas dans ma partie du bas, et j'essayais de m'enlever, mais je n'y arrivais pas". Des paroles qui ne sont pas restées lettres mortes. Elles ont aussitôt donné l'alerte et la justice s'est emparée de l'affaire jusqu'au procès.
"Ça a permis de nous libérer, de libérer notre parole". Les abus ont commencé aussi très jeune pour Lee-Lou. Selon elle, elle avait 5 ou 6 ans. Impossible de dénoncer ce qu'elle subissait. "J’étais toute petite. Comment voulez-vous libérer la parole alors qu'on ne comprend pas ce qui nous arrive ?".
Lily n'est pas la seule victime. On est deux autres. On a été jusqu'au bout. Et je suis fière d'avoir porté ce combat et je le porterai jusqu'au bout.
Lee-LouCousine de Lily et partie civile
Peur de parler, crainte de ne pas être crue. Jusqu'au petit mot de Lily, l'affaire aurait pu ne jamais sortir du secret familial. "On n'a jamais su entre nous ce qui nous arrivait. Même pour ma sœur, je n'étais pas au courant. Ça a été une révélation totale. Je n'arrivais pas à en parler à cause de la peur", explique-t-elle avant de lâcher : "Il ne faut pas avoir peur, il y a des familles qui nous croient et qui sont là pour nous soutenir. Il y a du monde derrière, il ne faut plus avoir peur".
"Lily a été crue"
La mère de Lily s'est montrée satisfaite du verdict. Mais au-delà de la condamnation du septuagénaire par la justice, c'est la prise en compte de la parole de sa fille qui a ému Émilie. "Je suis satisfaite du verdict. Il avait été demandé 15 ans. Douze ans, c'est satisfaisant. Mais au-delà de cela, c'est d'avoir entendu le président (de la cour criminelle) dire à ma fille qu'il l'a cru, c'était énorme. Qu'elle ait été crue, c'est la plus grosse récompense", explique Émilie, la mère de Lily, avec des sanglots dans la voix. La mère de l'adolescente peine à maîtriser ses émotions.
"Quand on nous a diffusé son audition, qu'on n'avait jamais vue, elle avait 10 ans et demi à l'époque. C'était très clair, c'était posé, elle n'est jamais revenue sur ses paroles, on sentait qu'elle avait envie de se libérer".
Alexandre, père de Lily et fils de l'accusé, a également réagi à la fin du procès. Il a accueilli cette condamnation comme "une bonne nouvelle". "Il prend 12 ans. La justice est avec nous, s'il n'y a pas appel d'ici là. C'est un combat qui a payé. Je peux être fier de ma fille et de ce qu'elle a fait", a-t-il déclaré sobrement en sortant de la salle d'audience.
Avec ce verdict, une page se tourne pour Lily et ses deux cousines. Mais le grand-père peut encore faire appel de sa condamnation. Si l'affaire n'est pas encore totalement terminée à cette heure. Émilie envisage déjà la suite pour sa fille Lily : "On peut parler d'une nouvelle vie. Elle a 13 ans et elle a toute le temps pour se reconstruire correctement et avoir une belle vie. Je serai là, je ne la lâcherai jamais".
"Mon papillon invincible"
Le procès à huis clos qui s'est achevé lundi soir est le premier en France en lien avec le dépôt d'une lettre d'enfant dans une boîte aux lettres de l'association "Les Papillons". Même si le fondateur de l'association n'était pas présent pour entendre le verdict, toutes ses pensées sont allées vers Lily et ses cousines. Sur les réseaux sociaux, au soir du verdict, il a adressé un long message à l'adolescente.
"Lily, mon héroïne, mon papillon invincible, c'est ici que nos chemins se séparent. Tu peux désormais prendre ton envol. Libérée". C'est ainsi que commence le message de Laurent Boyet. "Tu es entrée dans ma vie un jour de juin 2022 quand tu as déposé ce mot bouleversant dans la boîte aux lettres Papillons de ton école. Deux ans après, il y a la condamnation. C'est un sacré effet Papillon ! Sois fière à jamais de la tempête qu'a provoqué ton battement d'aile."
Pour Laurent Boyet, lui-même abusé dans l'enfance par un proche, ce procès a laissé des traces : "C'est un sentiment incroyable de se dire que cette boîte aux lettres Papillons, fruit de mon propre enfer, t'a sauvé, a sauvé tes cousines (...) merci d'avoir fait confiance en cette petite boîte aux lettres anodine. Les larmes aux yeux Lily, laisse-moi juste te dire merci... pour tout", conclut-il.