Ce vendredi 20 septembre s’est ouvert devant la cour criminelle de l’Ain, à Bourg-en-Bresse, le procès d’un septuagénaire accusé de viols sur sa petite-fille et d’agressions sexuelles sur deux autres de ses petites-filles. La cour a prononcé le huis clos, pour " protéger" les trois victimes. Incompréhension des parties civiles.
C'est une affaire d'inceste révélée par Lily, une enfant de 10 ans qui a été largement médiatisée en raison de la manière dont la fillette avait brisé le silence en juin 2022. Les faits avaient été révélés par un petit mot glissé dans une boîte aux lettres installée dans la cour de l'école par l'association "Les Papillons". Une initiative ayant vocation à libérer la parole des enfants victimes de violences. Cette affaire dite des "boîtes aux lettres des Papillons" est la première du genre. Contre toute attente, le procès aura lieu à huis clos, au grand dam des victimes.
Soutien
"Ça va, mais je suis un peu stressée", a déclaré Lily ce matin, juste avant d'entrer dans la salle d'audience. Il y a deux ans, l'enfant avait dénoncé les agissements de son grand-père. Ce dernier, âgé aujourd'hui de 73 ans, doit répondre aujourd'hui devant la cour criminelle de faits de viols sur Lily, et aussi d'agressions sexuelles sur deux autres de ses petites-filles. La famille de Lily est arrivée ce matin au palais de justice de Bourg-en-Bresse.
De nombreuses personnes étaient présentes pour soutenir l'adolescente, aujourd'hui âgée de 13 ans, et ses deux cousines, également parties civiles. En guise de soutien, chacun arborait un petit bracelet, celui de l'association "Les Papillons". "Tout le monde met ce bracelet aujourd'hui, c'est important de faire connaître cette association", a déclaré, avant le début du procès, Émilie, la mère de Lily.
Le secret du huis clos
"Je l'ai attendu longtemps ce procès, maintenant, on y est. Après, on pourra tourner la page et se reconstruire. Lily va plutôt bien, ça bien se passer. Elle a besoin de ça pour avancer aussi. Elle a eu beaucoup de courage et on est tous là pour l'épauler. Il n'y a pas de raison pour que ça se passe mal", expliquait la mère de l'adolescente, confiante. Mais les jeunes victimes et leurs soutiens ont rapidement déchanté.
À l'ouverture du procès, c'est la traditionnelle question du huis clos : le président a demandé aux avocats des différentes parties s'ils étaient favorables à un procès public ou à un huis clos. Tous les défenseurs des victimes étaient pourtant favorables à la publicité des débats. En revanche, l'avocate de l'accusé a indiqué ne pas être favorable à un procès public, souhaitant éviter "le bruit médiatique". Me Audineau, s'est inquiété devant la cour du récent emballement médiatique et du risque d'une "deuxième audience en dehors de cette salle".
Après délibération, c'est finalement le huis clos qui a été retenu ce vendredi matin. Au regard de la médiatisation, la cour a estimé "nécessaire d'assurer la protection de ces mineures, y compris contre elles-mêmes", a indiqué son président Antoine Molinar-Min. Le public et la presse ne pourront donc pas assister aux audiences et aux débats. La famille devra vivre ce procès à distance. Les jeunes plaignantes et leurs parents seront les seuls à assister au procès.
"Effondrées"
Après cette annonce du président, la famille est sortie de la salle d'audience, assommée par la décision d'interdire la publicité des débats. "C'est très dur que le juge ordonne un huis clos. Lily était tellement bien entourée de ses amis, sa famille, des journalistes, de l'association. Dans un huis clos, elle va se retrouver seule dans un tribunal, face à son agresseur", déplore Arnaud, le beau-père de la fillette. "On était serein et prêt, on est écroulés, ma femme est écroulée. Lily et ses cousines étaient effondrées à l'annonce du huis clos. On ne comprend pas", ajoute-t-il. "Ça fait deux ans qu'on se bat pour que tout soit dit et que rien ne soit caché aux gens", a-t-il regretté.
Kimee, l'une des cousines de Lily, est sortie en larmes de la salle d'audience. "Ma famille, mes sœurs, ma cousine, elles doivent avoir la parole publique. Ils doivent savoir que ce qu'il a fait est horrible. Elles ont le droit de libérer leur parole devant tout le monde. Ça ne doit pas être enfermé. Ça ne doit pas être un huis clos", s'est emportée la jeune fille entre deux sanglots. "Mais chut, il faut que ça reste secret ! Ça a toujours été comme ça dans leur famille. Là, il faut que ça se libère. Mais non… il faut que ça reste caché, encore une fois !", lâche-t-elle avec colère et indignation.
Le procès doit durer jusqu'à lundi. L'accusé risque jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.