Pour la première fois depuis leur création, les boîtes aux lettres de l'association "Les Papillons" vont aboutir à un procès. En septembre, devant le tribunal de Bourg-en-Bresse, un grand-père sera jugé, car il est soupçonné d'avoir violé sa petite-fille. Lily avait déposé un papier dans l'une de ces boîtes installées dans sa cour de récréation pour le dénoncer.
C’est une boîte aux lettres à qui l’on peut tout dire, tout confier. Elle est installée dans la cour de récré. Un jour, Lily a osé y déposer un mot. C’était en juin 2022, elle venait d’avoir 10 ans.
"Il met sa partie du bas dans ma partie du bas, et j'essayais de m'enlever, mais je n'y arrivais pas", des mots d'enfants pour décrire une agression, dont à ce moment-là ses parents ne se doutent pas du tout.
"Ça me faisait beaucoup à porter et je n'arrivais plus à le garder. Et grâce à ça j'ai pu le dire, sinon je ne l'aurais jamais dit. C'était devenu vraiment compliqué de le garder et en même temps, je n'arrivais pas à en parler à mes parents. J'ai une amie qui m'a convaincue de mettre le mot dans la boîte. Je ne savais pas vraiment ce qui allait se passer. Au début, j'ai eu peur, mais après, c'était un soulagement" raconte l'adolescente.
"Je découvre ce mot et là, je m'écroule", raconte sa mère, Emilie Vullin. "C'est très compliqué", raconte-t-elle. "Sur la fin, elle ne voulait plus aller chez son papa, mais en fait c'est parce qu'elle ne voulait plus aller chez papi et mamie. Une fois, son grand-père est venu la chercher et elle était collée à moi, elle ne voulait pas partir, mais je n'ai pas compris tout de suite".
"On a tous expliqué à nos enfants, "personne n'a le droit de toucher tes parties intimes, mais quand c'est intrafamilial, c'est toujours très difficile, c'était le grand-père et il se donnait ce pouvoir" regrette-t-elle, soulevant la terrible difficulté des parents à voir ou savoir quand leur enfant est victime.
En revenant sur la dureté et le côté cru des quelques mots écrits pas sa fille de 10 ans, elle ajoute : "ce sont des paroles d'enfants et à cet âge-là ça ne peut qu'être cru" c'est ce que nous ont dit les professionnels. Elle commençait à grandir, elle pouvait rester toute seule chez son père donc elle évitait d'y aller, mais sans ces boîtes ça aurait pu durer encore longtemps".
Le tabou des agressions intrafamiliales
Le mot de Lily a tout de suite été transmis aux psychologues de l’association “Les Papillons” et un signalement a été fait au Procureur de la République. Cinq jours plus tard, le grand-père incestueux était arrêté.
Lors de son audition, Lily parle aussi de ce qu'il s'est passé avec ses cousines. "C'est là, quand Lily a raconté ça qu'ils ont dit, on auditionne tout le monde et les deux filles ont pu dévoiler tout ce qu'elles avaient subi", explique Emilie Vullin.
"Ça fait deux ans que c'est difficile pour nous, pour Lily tout va bien et une heure après plus rien ne va, elle a une super psy, elle est bien encadrée, elle va se reconstruire, assure sa mère, réaffirmant la nécessité d'en parler "à cet âge-là".
Peut-on obtenir plus de boîtes papillons ?
Il n’y a que 250 boîtes de ce type en France, le créateur de l’association “Les Papillons” réclame leur généralisation et une homologation par l'Éducation Nationale. Dans son enfance, Laurent Boyet, abusé par son frère, aurait aimé trouver une boîte pour témoigner.
"Je connais le poids du silence, c'est trente ans de survie, on tombe dans des addictions, on a envie de se faire du mal et je me suis toujours promis de faire en sorte que les enfants d'aujourd'hui ne traversent pas les mêmes déserts que moi".
Fin septembre, le grand-père de Lily se retrouvera devant les Assises de l’Ain. Ce sera la première fois qu’un homme est dans le box des accusés... à cause d’un papillon.