En cette fin décembre, le département de l'Ain connaît une recrudescence d'attaques du Lynx. C'est à quelques kilomètres de Bourg-en-Bresse, dans le Revermont, que le félin s'en prend aux troupeaux de brebis. Un éleveur de Neuville-sur-Ain a ainsi été victime du grand prédateur à deux reprises.
C'est loin d'être la haute montagne. A une vingtaine de kilomètres de Bourg-en-Bresse, le Revermont s'élève comme un bourrelet dans le paysage. C'est là que le massif jurassien commence à grandir. C'est aussi là que le lynx a élu domicile ces dernières années. Il se montre de moins en moins discret. Les photos ou vidéos du félin, partagées sur les réseaux sociaux par les randonneurs, ne sont plus rares. Le prédateur bénéficie d'un énorme capital sympathie, sa beauté en fait le symbole d'une nature sauvage.
Il serait arrivé dans l'Ain vers 1985, venant de Suisse. Depuis, le lynx a trouvé ce territoire à son goût. Il y aurait une quarantaine de spécimens dans le département, sur les quelque 150 que compterait la France. Un développement harmonieux la plupart du temps, les rongeurs suffisent à faire le bonheur du lynx. Et puis, quand il fait un écart, il n'est pas comme le loup, ne "joue pas" avec les brebis pour les massacrer. L'animal "prélève" seulement une pièce dans un troupeau.
En moyenne, une cinquantaine d'attaques sont déclarées chaque année à la Direction Départementale des Territoires de l'Ain, l'indemnisation des éleveurs est ensuite enclenchée s'il est reconnu qu'ils ont fait le nécessaire pour se protéger.
Le soir, Julien Radix n'oublie jamais de positionner les clôtures électriques autour de ses groupes d'ovins. L'éleveur, installé depuis 4 ans à Neuville-sur-Ain, a bien compris qu'il avait de la concurrence !
Mais le 26 décembre au matin, ainsi que le 27, il a retrouvé 2 cadavres de brebis. Rien qu'en 2021, son bilan d'attaques est de 10 tuées. Les gardes de l'Office Français de la Biodiversité sont venus constater et ont reconnu la marque du lynx.
"Les gardes enlèvent la peau à hauteur du cou, et en l'examinant ils voient des petits trous qui correspondent aux crocs", montre Julien. Le lynx tue par étouffement, en comprimant la trachée à l'aide de sa puissante mâchoire.
Julien a laissé l'une des carcasses dans l'un de ses champs, pour permettre à une association de défense de la nature de placer un piège photographique. Les premiers résultats font apparaître un jeune lynx, inconnu jusqu'à présent.
Ce partenariat entre l'éleveur et l'association prouve que le monde agricole n'est pas hostile au félin mais Julien frise quand même l'exaspération.
"Il faudrait simplement qu'il se sente chassé, qu'il ne se sente pas le bienvenu sur les zones d'élevage"
L'éleveur utilise parfois le mot "régulation" même s'il sait que l'espèce est hyper protégée à l'échelon européen, et que d'autres pistes devront être envisagées avant d'imaginer le pire.
Outre les clôtures, les services de l'Etat lui conseillent de prendre un chien de protection, les fameux patous qui ont fait leurs preuves face au loup.
"Pour moi c'est un problème, déjà parce que le Revermont c'est un lieu de balades en famille, et le patou s'en prend parfois aux randonneurs ou vététistes. Et puis, au moment de la lutte (période de reproduction), je compose des petits lots avec mes brebis. S'il me fallait un chien par lot, ça deviendrait un élevage de chiens !"
Il faudra peut-être trouver d'autres techniques pour permettre à Julien de poursuivre son activité sereinement, sans redouter le prédateur. Peut-être obtiendra-t-il l'autorisation de pratiquer des tirs d'effarouchement ? Le nouveau "code de conduite" va bientôt sortir. Comme le loup, le lynx aura en 2022 un Plan National d'Actions. Dans l'Ain, le comité loup de la préfecture s'est aussi récemment élargi au lynx, des éleveurs y siègent.