Obliger les soignants au vaccin anti Covid, le Gouvernement français y réfléchit. Et le débat fait rage. Exemple dans un Ehpad du département de l'Ain, où le personnel, même vacciné, défend le libre choix.
Au sein de l'Ehpad Claires Fontaines de Saint-Vulbas, dans le département de l'Ain, près de 80% de l'ensemble du personnel est vacciné contre le Covid. Beaucoup n'ont pas hésité très longtemps à accepter une première dose. Pour d'autres il a fallu instaurer "un dialogue". Le Dr Martin, le médecin coordinateur, raconte qu'il n'a surtout pas prôné la coercition, qu'il a préféré ajouter une dose d'humour à son argumentaire :"J'ai proposé un cadeau-surprise en plus d'une dose du vaccin, ça les a beaucoup amusés, et y en a trois qui sont venus se faire vacciner ce jour-là. Le cadeau c'était un repas au restaurant."
On a dédramatisé cette histoire de vaccin, petit à petit les choses se sont faites. Maintenant, après le dialogue, il faut passer à la persuasion, le moment est venu de voter la loi.
Du statut de héros à personnes pointées du doigt
Dans un des couloirs de la résidence pour personnes âgées, Élodie, une soignante, discute avec une résidente en fauteuil roulant. Élodie Rat est vaccinée contre le coronavirus Covid-19 depuis le mois d'avril. "Une décision personnelle avant tout" confie-t-elle, afin de voyager lors de ces vacances d'été et pour tenir dans ses bras, sa filleule à venir. La motivation professionnelle, le contact avec les résidents ne sont pas les premières raisons invoquées à sa vaccination.
Fanny Pignol, cadre de santé au sein de l'Ehpad Claires Fontaines, nous apporte des clés d'explication. "100% du personnel des cuisines de la résidence, 100% des infirmières. 100% des agents techniques, 50% des aides-soignants" sont aujourd'hui vaccinés. Ceux qui ne le sont pas, le sont pour "des raisons personnelles, comme pour la population en général : une petite peur ou divergence de point de vue."
Novembre 2020 : l'établissement public pour personnes âgées plie sous l'épidémie. "Une grosse majorité des résidents et du personnel" est victime de la maladie.
Une famille me l'a dit clairement, "ça ne pouvait être que les soignants qui avaient apporté le Covid".
À partir de là, la dichotomie s'installe. Salués comme des héros lors du premier confinement et première vague de l'épidémie, un an et demi plus tard, les soignants sont pointés du doigt. Sous le coup d'un projet de loi visant à les obliger à se faire vacciner.
Généraliser le vaccin sur le modèle de l'hépatite B ?
Dans cet Ehpad public de la plaine de l'Ain. la vaccination est majoritaire, des résidents au personnel. Mais obliger les soignants à se faire vacciner, là, franchement, la pilule a du mal à passer. De manière quasi-unanime. "Chacun est libre de prendre sa décision", dit la soignante Élodie. "Le fait d'être favorable au vaccin et d'obliger à se faire vacciner, ce sont deux débats différents. Deux droits complètement différents et qui devraient être étudiés au cas par cas", rajoute de son côté la cadre de santé de l'établissement.
Fanny Pignol s'interroge : obligation de se faire vacciner pour les soignants, d'accord, mais pourquoi ne pas inclure le personnel de l'Éducation Nationale par exemple, "en contact permanent avec des classes". Pourquoi pas une obligation générale sur le modèle de l'hépatite B ?
Le vaccin contre l'hépatite B est obligatoire,... Mais entre le moment où il a été inventé et celui où il a été rendu obligatoire, je ne sais pas combien de temps il s'est écoulé. Mais là, on trouve que c'est très rapide.
Défense des libertés
"Certaines réticences, en particulier du fait que l'on ne connaissait pas ce virus... Des craintes avec un nouveau vaccin avec ARN même si les recherches étaient anciennes", le docteur Martin comprend les raisons de refuser une dose, mais ne cesse de militer en faveur de la vaccination anti-Covid.
Le moment sera venu d'essayer de vraiment enrayer cette pandémie. On fait partie d'un pays où on a la chance de pouvoir être vacciné. C'est le pays de Pasteur. Moi en tant que médecin généraliste, je pense qu'il faut aller jusqu'au bout.
Le médecin généraliste, également homéopathe, est un pro-vaccination. Il ne s'en cache pas. Jusqu'à dire que c'est de la responsabilité de l'État en termes de sécurité.... et plus précisément, de sécurité sanitaire.
Mais voilà, il y a aussi ce droit de choisir pour sa santé, et celle des autres. L'obligation vaccinale des soignants pose indéniablement question dans cet établissement comme tant d'autres. Disons-le clairement, le projet de loi dérange. "Même avec le vaccin, on peut quand même l'avoir, on peut quand même le transmettre", rappelle la cadre de santé en parlant du Covid et de sa maladie.
Je ne comprends pas comment on peut demander à des citoyens d'être des personnes responsables, de faire un choix libre et éclairé, tout en contraignant les gens à faire quelque chose. Cela va à l'encontre du principe de liberté.
Liberté, le mot est lâché. C'est celui qui fait référence à la place des soignants au sein de notre société. Et à celle du citoyen tout court, qu'une telle loi et obligation de vaccination pourraient "déresponsabiliser". La contrainte ne fait pas mouche dans cet établissement hospitalier pour personnes âgées. Question de déontologie. Question de libertés tout simplement pour tous ceux que nous avons croisés à Saint-Vulbas. Vaccinés ou pas vaccinés.