On l'a baptisé le "Madoff" de Lagnieu, du nom de l'escroc américain. Un gestionnaire en patrimoine de l'Ain comparaît devant le tribunal de Bourg-en-Bresse, pour avoir détourné plusieurs millions d'euros. Il a profité de la confiance de ses proches pour les arnaquer, dépouillant même sa fille.
"Arnaquer son gendre, sa propre fille, le sang de votre sang, la chair de votre chair, comment est-ce possible?!", s'exclame une avocate. Le prévenu a la tête baissée, comme un enfant qu'on sermonne. Un peu plus tôt, Louis Giallanella, 78 ans, a expliqué qu'il voulait "les aider"! Autrement dit, il se mentait à lui-même, croyait ce qu'il leur promettait: des rendements alléchants. Mais en fait, l'argent qu'il devait faire fructifier passait sur ses comptes!
C'est ainsi que l'ancien banquier, devenu gestionnaire de patrimoine en 1989, a dépouillé au moins 80 personnes. L'instruction a identifié 120 victimes mais beaucoup ne se sont pas portées parties civiles, par honte ou parce que le "Madoff" les avait en grande partie remboursées.
Car dans un système dit de Ponzi, les plus anciens investisseurs retrouvent souvent leur argent grâce à des sommes fraîches versées par les nouveaux épargnants. Mais les autres, ceux qui ont donné leurs économies à Louis, le voisin, le copain, l'ami de 30 ans, n'ont rien récupéré.
Reportage Franck Grassaud et Eloïsa Patricio
Dans la salle d'audience, il y a Franck qui a perdu "l'argent d'une vie", le prix de vente de son commerce. Il y a aussi cette femme qui avait placé ses deniers juste après avoir cédé sa maison. On trouve aussi un chef d'entreprise qui gère une cinquantaine de personnes et qui a failli mettre la clef sous la porte. On découvre que même le Comité Territorial du Rugby du Limousin a perdu 670.000 euros!
Combien a-t-il récolté?
Le pire, c'est que les épargnants faisaient la pub de Louis! C'est comme ça que le cercle s'est élargi, et qu'il a trouvé des clients dans toute la France. Quand on promet des intérêts de 6 à 8%, à court terme de surcroît, ça attire du monde!Et alors, combien Louis Giallanella a-t-il perçu? Combien a-t-il rendu? Combien a-t-il utilisé pour maintenir un train de vie dispendieux?
On évoque 9 millions d'euros, lui parle de 3 ou 4 millions, il ne sait plus trop. L'étude de ses comptes, -rien qu'entre 2009 et 2012-, fait apparaître plus de 6 millions de remises de chèques. Certes, il a utilisé une partie de cet argent pour rembourser les investisseurs qui voulaient se désengager, mais le reste s'est évaporé!?
Sa femme et complice présumée n'est pas au tribunal. Elle a présenté un certificat médical en raison de graves problèmes cardiaques. Louis ne cesse de la défendre. "Elle ne comprenait rien, elle ne sait même pas écrire le français", explique le septuagénaire d'origine italienne, comme son épouse.
Dans la salle, on entend une voix commenter: "elle comprenait très bien la carte des restaurants en tout cas, elle prenait toujours le plat le plus cher!". Un autre enchaîne: "Et l'Hôtel Martinez, elle aimait bien y aller!". "Et le voilier!", lance doucement un autre, "sans parler de leur logement au soleil de Saint-Raphaël!"
Ils ont connu Louis et Elsa les flamboyants, ces immigrés italiens heureux d'avoir réussis et qui l'affichaient... ils ont été victimes de Louis, l'escroc.