À l'occasion de la présentation du parcours de la flamme olympique avant son arrivée à Paris pour les XXXIIIᵉ Jeux modernes, nous avons rencontré le double champion olympique de judo David Douillet. Entretien.
Médaillé de bronze aux Jeux de Barcelone en 1992 puis champion olympique en 1996 à Atlanta et en 2000 à Athènes, David Douillet est très attaché à cet événement sportif planétaire, porteur selon lui de nombreux symboles et messages de paix.
David Douillet, pour vous, la flamme olympique représente quoi ?
Ce n’est pas qu’une flamme, c’est un avertisseur qui veut dire "attention, ça va démarrer". Mais, en vérité, c'est surtout un symbole. Bien sûr que les gens les regardent à travers le sport, à travers la performance, les exploits, les histoires... mais les jeux, c'est quoi en réalité ? C’est avant tout le village olympique.
Ce sont 10 000 athlètes qui vivent ensemble pendant deux semaines. Il y a une ambiance magnifique qui devrait exister partout dans le monde. On est de couleur, de race différente et c’est toute la diversité du monde qui est réunie, c’est ça la vraie grosse médaille des jeux. Ce sont des milliers personnes de partout capables de prodiguer l’un des plus beaux spectacles du monde. Pour revenir à la flamme, c'est le symbole de toute cette idéologie.
On sent que cette idée vous prend aux tripes quand vous nous en parlez...
Oui, parce que l'on est en retard. On fait encore partie des générations arriérées de l’humanité. On est encore capable de faire des guerres, de créer des conflits, de se fâcher en famille, de s’entre-déchirer. Non, il faut que l'on y arrive à vivre ensemble. Les Jeux nous montrent l’exemple. Pour rappel, durant l'Antiquité, les Jeux, c'était une période de trêve !
Et pourquoi cette histoire d’athlètes qui font l’un des plus grands spectacles du monde fonctionne ? Parce que l'on fait du sport. Cela nous a appris à être poli, à considérer les gens, à travailler, à se remettre en question. Tout ce dont on a besoin pour construire un monde sain. Si l'on arrive à dupliquer cette colonne de valeurs à tout le monde, on aura gagné.
Selon vous, c'est important aussi que cela soit en France en 2024 ?
C’est important pour la France, car cela fait 100 ans que l’on a organisé nos derniers jeux d'été. L’un des pères des Jeux modernes, Pierre de Coubertin, est français. C’est grâce à la France en partie qu'ils sont de retour. C’est important pour notre pays, pour le moral des Français, pour l’économie, pour les enfants, leur éducation, leur santé, c’est important sur bien des domaines.
Plus personnellement, vous souvenez-vous de quand vous aviez la flamme pour les Jeux d'Athènes de 2004 ?
Oui, j’étais accroché en haut du Stade de France et je suis descendu en rappel. C’était assez sympathique. Le feu était allumé et j’étais attaché à une corde donc j’ai passé mon temps à vérifier que je ne brulais pas la corde à laquelle tenait ma vie (rire). C’était un moment magique. À l’époque, on rêvait de les avoir et l'on ne savait pas encore qu’on les aurait en 2024, on candidatait encore pour 2012 à ce moment-là.
Et en 2008, vous rappelez-vous cette photo avec Teddy Riner ? (David Douillet transmet la flamme à son jeune homologue judoka)
(Il sourit) Il est symbolique parce que l'on est réuni avec Teddy et je lui transmets la flamme. On ne peut pas le faire dans notre sport, je ne peux pas lui transmettre ma carrière, c’est ridicule (rire). J’ai eu la mienne, il a la sienne. Je suis né avant lui, j’ai fait un bout de chemin, il le poursuit et je trouvais que ce passage de relais était un très beau clin d’œil.
Il y avait une petite anecdote aussi en 2008...
Je me souviens d’un service d’ordre chinois qui panique complètement ! Je voulais faire une entorse en changeant le tracé, ils ont paniqué et ils ont éteint la flamme. Vous vous souvenez ? À l’époque, il y avait tellement d’associations qui militaient pour les droits de l’Homme, notamment pour les conditions de vie des gens au Tibet, etc... Ils étaient à cran que l'on puisse perturber le passage de la flamme. Le service d’ordre, ce n'étaient pas des gentils bénévoles, c’était la police spéciale. Bien évidemment, j'ai râlé et ils l'ont rallumé.
Votre carrière sportive, elle était faite pour les Jeux ? Vous aviez cet objectif-là dès le départ ?
Non, pas au départ en tout cas. Quand j’étais gamin, les Jeux, c’était abstrait. Je n’avais pas une culture sportive. Il a fallu que je découvre à huit ans les Jeux de Montréal. Je me demandais "c’est quoi ce truc ?" On m’a expliqué et je me suis dit que c’était incroyable. C’est la première flamme qui s’est allumée en moi.
Lorsqu'un peu plus tard, après avoir commencé le judo, j’ai commencé par rêver des championnats du monde ! Je n’arrivais pas à conceptualiser, à matérialiser les Jeux. Après, j'ai compris que c’était le Graal ultime à aller chercher. Quand tu es champion du monde, tu es reconnu de ta communauté. Cependant, quand tu es champion olympique, tu es reconnu par beaucoup plus de monde.