Dans l'Ain, le musée des soieries Bonnet à Jujurieux accueille jusqu'en novembre une exposition unique, qui présente l'œuvre du couturier Yves Saint-Laurent. Des pièces emblématiques du savoir-faire et de la modernité de ce monument de la mode.
Les Soieries Bonnet de Jujurieux étaient autrefois un fleuron de l'industrie du textile. L'établissement a travaillé durant plus de 150 ans avec les grandes maisons et les noms de la haute couture comme Dior, Valentino ou Chanel. C'est aujourd'hui un musée qui rend hommage à l'un de ses clients. Une exposition exceptionnelle présente une vingtaine de pièces du couturier parisien Yves Saint-Laurent, disparu en 2008.
Des pièces fragiles
Les robes et costumes sont présentés sur mannequin, à l'abri de la lumière et des UV. La mise en place de ces pièces textiles a nécessité beaucoup de précautions. Ne pas tirer de fils, ne pas faire de plis, bien installer les doublures... leur manipulation qui nécessite le port de gants est loin d'être aisée. Et pour cause. "Ce sont des robes haute couture, c'est toujours très fragile parce que c'était fait pour porter en défilé, pour porter une fois ou pour une soirée", explique Serge Liagre en posant la célèbre robe Mondrian "mondialement connue" sur son mannequin. "Ça s'appelle une robe-sac, c'était la mode dans les années 60. Elle est totalement droite. Elle ne supporte aucun pli", commente-t-il.
Directeur de la Villa Rosemaine, centre d'étude et de diffusion du patrimoine textile, ce passionné de mode a accumulé au fil du temps une importante collection de costumes et tissus anciens, de pièces de mode française qu'il expose régulièrement.
Voir cette publication sur Instagram
Serge Liagre a eu un coup de cœur pour Saint-Laurent depuis les années 90, "j'ai eu la chance de la rencontrer. C'est seulement dix ans plus tard que j'ai découvert la haute couture Yves Saint-Laurent et que j'ai commencé à acheter des pièces haute couture. Je ne suis pas couturier, mais j'admire l'architecture intérieure des vêtements, des finitions, des baleinages. Depuis une dizaine d'années, à la Villa Rosemaine, nous collectionnons les robes Saint-Laurent ", explique-t-il. "Dès qu'une pièce haute-couture sort, on prend l'avion et on va l'acheter. On peut dépenser beaucoup d'argent. Ça a une côte sur le marché, surtout la haute couture," précise Serge Liagre.
Précieuses et emblématiques
À chaque pièce, une anecdote. Ce passionné est incollable sur Saint-Laurent. Il a toutefois un coup de cœur pour une veste issue de la collection rendant hommage à Picasso et Braque. "Typique du travail de Saint-Laurent de la fin des années 80", la veste en satin de soie à découpes géométriques est très épaulée. "Ce qui est remarquable, c'est le travail de passementerie et de surpiqûre", explique-t-il en dévoilant la veste de couleur crème et noire.
Ce sont les créations essentielles d'Yves Saint-Laurent qui sont présentées à Jujurieux, comme la fameuse robe Mondrian de 1965, la saharienne, la petite robe noire de 1962 ou l'incontournable tailleur smoking. "C'est un emprunt au vestiaire masculin et qui donne une forme de pouvoir et de liberté", commente Serge Liagre. Yves Saint-Laurent a réalisé 81 collections dont les styles ont marqué l'histoire de la mode du 20ᵉ siècle.
Pourquoi une exposition à Jujurieux ?
Pongé de soie, crêpe de soie, mousseline, velours… pour réaliser ses créations, le couturier parisien passait très souvent commande aux soieries Bonnet. Au fil du parcours, le visiteur est invité à découvrir les collaborations entre Yves Saint-Laurent et la maison Bonnet. C'est une exposition hommage à Yves Saint-Laurent qui a aussi pour but de valoriser le savoir-faire des soieries. Le musée de Jujurieux a conservé les commandes passées par la maison de couture parisienne et les factures. "C'est le point de départ de l'exposition. Ces factures sont adressées à la maison Yves Saint-Laurent dans les années 90. Notre travail est de retrouver les tissus produits par la maison Bonnet qui ont pu être utilisés par Monsieur Saint-Laurent. Toute une gamme de tissus assez exceptionnels. C'est un jeu de piste", explique Nathalie Foron-Dauphin, responsable scientifique des Soieries Bonnet.
Si cette rétrospective est une machine à remonter le temps, les créations d'Yves Saint-Laurent n'ont pas pris une ride. Autrefois modernes, elles sont devenues intemporelles. "Ce sont vraiment des coupes qui n'ont pas vieilli. Elles sont impeccables. C'est là que l'on voit toute la modernité du créateur", constate une visiteuse.