Récit du dernier jour de ce procès marquant devant les Assises de l'Ain, après le meurtre de Catherine Burgod. Le verdict sera rendu lundi.
"Je voulais juste acheter un billet de train": Mamadou Diallo a répété avec force être "innocent" du meurtre sanglant de la postière de Montréal-la-Cluse dans l'Ain en 2008, qui faute de témoin et d'arme du crime reste nimbé de mystère.
L'accusé, veste beige et chemise blanche, a pu - chose rare - sortir du box pour déposer à la barre de la cour d'assises. Il se lance alors dans le récit de "ce fameux 19 décembre" quand il rentre dans la petite poste: "J'ai poussé cette porte et mon ressenti, c'est d'être imprégné de cette odeur, de la vue de ce corps; j'ai vu le corps de cette pauvre femme, il y avait du sang partout, j'étais choqué".
Le trentenaire entrecoupe sa déposition de longs souffles, frôlant à un moment le malaise, avant de reprendre son récit. "J'ai paniqué, je n'ai pas réfléchi, en sortant j'ai pris une liasse de billets, je suis sorti en courant".
"Honteux" du vol de ces billets, "je m'en voudrai toute ma vie" de ne pas avoir appelé les secours mais "je ne suis pas un meurtrier", ajoute-t-il. Il soutient avoir gardé le silence par "peur de l'erreur judiciaire", étant à l'époque un jeune noir, lycéen avec "de mauvaises notes".
Le corps de Catherine Burgod, 41 ans, a été découvert dans l'arrière-salle de la poste baignant dans une mare de sang. 28 coups de couteau étaient relevés sur le corps de cette mère de deux enfants, enceinte de 5 mois.
La piste crapuleuse a rapidement été privilégiée, avec un butin évalué à 2.490 euros, mais les enquêteurs ont longtemps peiné à récolter des éléments probants, faute d'arme du crime ou de témoins oculaires.
Questionné par la présidente sur ses fréquentes variations durant l'instruction, l'accusé déclare être incapable de "répondre avec précision" en raison de son "traumatisme".
"Je mélange tout mais je suis sincère", s'emporte-t-il.
L'avocat général Eric Mazaud s'interroge, lui, sur le comportement à la fois "paniqué
et opportuniste" du jeune homme.
"Mon coeur brûle"
"Aujourd'hui je suis tout seul dans le box des accusés", déplore l'accusé à plusieurs
reprises. Les soupçons des enquêteurs s'étaient d'abord portés sur Gérald Thomassin, ex-espoir du cinéma français devenu marginal, qui résidait alors en face de cette poste.
Son comportement avait intrigué les enquêteurs mais il avait finalement bénéficié d'un non-lieu. Il a disparu depuis 2019.
En 2017, une correspondance est établie entre l'ADN prélevé sur un monnayeur et un sac trouvé près du corps de la victime et celui de Mamadou Diallo, lycéen au moment des faits qui effectuait un stage près de Montréal-la-Cluse.
A la barre, M. Diallo explique la présence de son ADN sur la scène de crime par ses mains "moites", qu'il dit avoir essuyé sur "quelque chose" qui "doit forcément être le sac" sur lequel a été retrouvée son empreinte génétique.
Dans un flot de paroles, l'accusé réclame "la vérité", réfutant avoir le "profil" d'un meurtrier, rappelant certains des éléments à charge contre Gérald Thomassin. "J'ai énormément de peine pour la famille de la victime mais ce n'est pas moi", a assuré celui que son entourage a unanimement décrit comme "gentil" depuis le début de son procès lundi.
L'avocate des parties civiles Me Séverine Debourg a pointé du doigt les "explications très détaillés" que M. Diallo a donné au cours de l'instruction sur cette journée du 19 décembre 2008, soulignant le "paradoxe" avec le "traumatisme" qu'il invoque.
"Mon cœur brûle parce qu'on m'accuse d'une atrocité. C'est de la colère parce que je ne comprends pas", lance avec agacement celui qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Verdict le 4 avril.