En septembre 2014, le Monastère de Brou, joyau de Bourg-en-Bresse, était couronné "monument préféré des Français" lors d'une émission de télévision. Qu'a apporté cette élection à ce chef-d'œuvre de pierre ? Dix ans après cette consécration, qu'en reste-t-il ?
"Il y a eu un engouement sur le territoire de Bourg-en-Bresse. Comme pour une campagne électorale. Les gens se sont investis et ont voté massivement face à des mastodontes qui n'avaient pas besoin de cet impact médiatique pour briller. Les gens ont joué le jeu", selon Lucie Gouilloux, responsable des publics au Monastère royal de Brou. En 2014, ce monument phare de la cité burgienne décrochait un titre très envié. Celui de monument préféré des Français. Un titre obtenu à la faveur de la première édition d'une émission diffusée sur France 2 et présentée par Stéphane Bern. Une victoire dont ce chef-d'œuvre a su amplement tirer avantage.
Succès quasi instantané
Magali Briat-Philippe, la conservatrice en chef du Monastère royal de Brou se souvient de l'élection qui avait eu lieu à l'occasion des Journées du Patrimoine il y a dix ans et des effets immédiats de ce titre. "L'élection avait eu lieu le samedi. Dès le dimanche, c'était un véritable déferlement de téléspectateurs qui venaient voir le monument préféré des Français". Le monument de Bourg-en-Bresse était en compétition avec des sites prestigieux comme Versailles ou Chambord. Au total, 118 sites étaient en compétition.
Je crois que ça a permis aux habitants de Bourg-en-Bresse de se réapproprier leur monument et d'en être encore plus fier.
Magali Briat-PhilippeConservatrice en Chef, Monastère royal de Brou
L'impact sur les visites a été considérable. En 2014, le nombre de visiteurs était de plus 77 000. Avec le titre, la fréquentation a grimpé en flèche : plus 25% en trois mois. Mais le véritable boom a eu lieu l'année suivante avec +115% de fréquentation, soit 112 860 visiteurs. "Il y a eu un impact et une notoriété pour le monument assez phénoménal", assure Lucie Gouilloux.
Depuis 2014, la fréquentation du site a légèrement diminué, mais elle avoisine toujours les 100 000 visiteurs par an, à l'exception des années 2020 et 2021 marquées par la crise Covid.
"On a gagné très fortement en termes de notoriété, de fréquentation et d'impact médiatique. Des visiteurs de passage se souviennent encore très bien de cette première élection. C'était la première élection d'un monument préféré des Français", ajoute la responsable des publics.
Réaménagement et mise en valeur
"Je rêvais depuis de nombreuses années de pouvoir ouvrir ces galeries hautes, elles font l'originalité de Brou. C'est le seul monastère en France qui comprend trois cloîtres à galeries superposées. Mais pour des raisons d'accès et de sécurité, ces galeries ne pouvaient pas être ouvertes", explique la conservatrice.
Le Centre des Monuments Nationaux et la ville de Bourg-en-Bresse étaient déjà engagés ensemble dans la gestion, la conservation et la promotion du monastère. Avec le titre, ces engagements ont été renforcés. Les travaux se sont poursuivis.
Avec ce titre de "monument préféré des Français", le Monastère de Brou a gagné en crédibilité. Les grands travaux ont été plus faciles à défendre. Quant au musée des beaux-arts, adossé à l'église, il a aussi profité des retombées de l'événement médiatique et programmé des expositions événements.
Grâce à la réouverture du passage de Marguerite et à l'ouverture de tous ces espaces historiques jusqu'alors inaccessibles, les visiteurs peuvent parcourir la quasi-totalité du monument, tel que Marguerite l'avait voulu.
Magali Briat-PhilippeConservatrice en chef, Monastère royal de Brou
Outre les travaux de restauration et de rénovation, le parcours de visite a été entièrement renouvelé, unifié et modernisé. "La partie église et la partie musée ont été reconnectées l'une à l'autre", explique Magali Briat-Philippe. Des espaces occupés par des réserves et des bureaux ont été ouverts au public. "Les visiteurs ont accès à la quasi-totalité des espaces historiques. Aujourd'hui, ils n'ont pas l'impression d'un monument partagé entre deux tutelles".
Si cette élection a même été "un accélérateur de projets", elle a aussi permis "une extraordinaire mise en valeur médiatique du musée et des projets". Et une mise en lumière concrète : chaque été depuis l'élection de Brou, la façade de l'église s'illumine avec le spectacle "Couleurs d'amour".
Site remarquable
La construction du monastère a débuté en 1506. Il avait vocation à loger les augustins chargés de prier pour les princes enterrés à Brou. Le lieu est de la volonté de Marguerite d’Autriche. C’est par amour pour son mari Philibert le Beau, disparu soudainement trois ans après leur mariage, qu’elle a fait construire cet ensemble en lieu et place d'un modeste prieuré. Mais Marguerite d’Autriche, petite-fille du dernier grand-duc de Bourgogne et régente des Pays-Bas, meurt en 1530, sans avoir vu ce mausolée achevé. Elle s'éteint seulement deux ans avant la fin des travaux. Elle a suivi ce chantier exceptionnel depuis la Belgique. Cet ensemble royal appartient plus à l’Europe qu’à la France.
Il n'a fallu que 26 ans aux meilleurs bâtisseurs régionaux et flamands pour édifier ce monastère. Particularité architecturale, il comporte trois cloîtres à étage avec galeries hautes et basses, de vastes salles voûtées d’ogive au rez-de-chaussée, des cellules à l’étage et des communs. L'église, à la toiture vernissée, a été conçue comme un écrin funéraire pour abriter les trois tombeaux princiers. Ils se trouvent dans le chœur. Ces gisants sont Philibert Le Beau, son épouse Marguerite d'Autriche et sa mère Marguerite de Bourbon. L'église est un chef-d'œuvre du style gothique flamboyant.
Le monastère devient royal en 1659. À la Révolution française, les religieux sont chassés. L'ensemble remarquable échappe à la démolition en 1791 grâce à la conviction d’un député local. Il est alors inscrit comme bien à conserver aux frais de la nation, près de cinquante ans avant la première liste des monuments historiques. Mais le monastère connaît alors bien des péripéties. Il est tour à tour prison pour prêtres réfractaires, caserne, dépôt de mendicité et hospice d’aliénés. Le monastère royal de Brou redevient un lieu de culte seulement en 1823. Un an après la loi de séparation de l'Église et de l'État, le monastère perd définitivement sa fonction religieuse. Au début du XXᵉ siècle, le monastère royal de Brou est ouvert au public et transformé en lieu culturel.