A Oyonnax, l’association "Vis la ville" crée des logements inclusifs regroupés pour des personnes cérébro-lésées, à la suite d’un accident de voiture par exemple. Zoom sur cette structure, au lendemain du 15e anniversaire de la loi "Handicap et citoyenneté".
Nichée au cœur du centre-ville, une résidence neuve, propriété d’un bailleur social, loue des appartements classiques. Mais au rez-de-chaussée, elle abrite un espace singulier. Une pancarte "Vis la ville", nom de l’association à l’origine du dispositif, trône près de la porte d’entrée dédiée aux occupants du pallier.
A l’intérieur, quatre logements privatifs, une cuisine et une salle mises en commun, où Wilfried, Nicolas et Marina peuvent regarder la télévision ensemble, jouer au baby-foot ou s’assoir autour d’un café et discuter. Tous trois souffrent de lésions cérébrales. Ils sont suffisamment autonomes pour disposer de leur propre toit, toutefois une assistance quotidienne est nécessaire pour les stimuler, veiller à leur bien-être et assurer leur socialisation.
"Entre l’ancien centre où j’étais et ici, il n’y a pas photo, estime la résidente. Ici, je suis chez moi. Je peux inviter qui je veux, quand je veux. Si je ne veux pas manger le soir, je ne mange pas. Si je veux manger des cochonneries, je mange des cochonneries. Je ne suis pas sous surveillance."
Retrouver sa vie d’avant
L’accident de Marina Souchère s’est produit il y a dix ans. Cette ancienne vendeuse pour du prêt-à-porter féminin à Arbent, près d’Oyonnax, a fait une sortie de route. Le choc est si violent qu’elle reste dans le coma pendant cinq mois. Rééducation, passage dans un centre spécialisé… Il a fallu des années à la jeune femme pour retrouver une forme d’autonomie.De son accident, elle n’a gardé aujourd’hui que des séquelles invisibles. "Je parle bien ?", s’inquiète-t-elle régulièrement. "Aujourd’hui, vous verriez Marina dans la rue, vous ne soupçonneriez pas qu’elle est handicapée, témoigne Thierry Souchère, son père. Elle souffre pourtant de troubles de l’attention, de troubles de la mémoire et de troubles de l’humeur. C’est suffisamment handicapant pour la vie quotidienne. Ne serait-ce que pour s’organiser et vivre seule."
Désormais, Marina ne peut plus conduire, ni travailler. La laisser dans un centre ? Hors de question pour Thierry. Rester à la maison avec lui ? Pas souhaitable non plus pour elle. Il crée alors "Vis la ville".
"L’idée, c’était d’inclure ces logements dans la vie de tous les jours, indique-t-il. Je voulais faire en sorte que Marina et les personnes cérébro-lésées comme elles retrouvent leur place dans la vie de la cité."
Un projet pilote, soutenu par le départementet les associations
Avec ce projet pilote au niveau départemental, Thierry offre une alternative aux individus handicapés autonomes. "Plutôt que d’aller en foyer médicalisé ou de rester chez les parents, ils peuvent retrouver une certaine forme d’indépendance. Ici, chaque occupant paye son loyer, possède sa boite aux lettres, sa cave, son accès au local poubelles, explique-t-il. Mais ils ne sont pas complètement seuls."Autre avantage de cette formule : la mutualisation des heures de Prestation de compensation du handicap (PCH). En clair, chaque habitant, parce qu’il est handicapé, a droit à des aides financées par le département. Celles-ci permettent de rembourser les dépenses liées à l’emploi d’une auxiliaire de vie sociale, par exemple. Avec ces aides, les habitants bénéficient chacun d’une trentaine d’heures. En vivant proches les uns des autres, avec des espaces communs, ils peuvent les mutualiser. Ils en disposent ainsi de 140.
"Des intervenants de l’Association d’aide aux personnes (Adapa) viennent les accompagner dans les activités de préparation de repas, de courses, tout ce qui peut être fait à l’extérieur, des sorties culturelles, sociales, du bon temps… dans de meilleures conditions", observe Laure Fombonne de l’Adapa.
Après la rééducation, vient ainsi le temps de la réadaptation.