Grève des agents du nucléaire : des réacteurs à l'arrêt, peut-on manquer d'électricité ?

Les négociations salariales ont tourné court entre employés et direction d’EDF : un préavis de grève national intersyndical (CFE-Énergie, CGT, CFDT, FO) court depuis lundi 15 janvier. Le mouvement, anticipé dès le 8 janvier à la centrale nucléaire de Cruas-Meysse, en Ardèche, a été rejoint par le site du Bugey, dans l'Ain. Deux réacteurs sont désormais à l'arrêt.

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La grève des agents du nucléaire s'est étendue à la centrale EDF du Bugey, dans la Plaine de l'Ain, où des débrayages empêchent le redémarrage de l'unité 5, d'une capacité de 880 MW. "Les agents de terrain sont la clé de ce mouvement", explique Bastien Martin-Cisteron, représentant CGT du site. "Sur sept équipes, quatre sont en grève soit une vingtaine de salariés essentiels dans le processus de redémarrage". Le réacteur, qui est à l'arrêt pour maintenance depuis le 22 décembre, devait repartir dans le courant de cette semaine.

Le retour en production de la tranche 5 est désormais suspendu à la signature d'un nouvel accord salarial avec la direction. Les négociations annuelles obligatoires ont pour l'heure échoué, les représentants du personnel refusant de signer la proposition de la direction. "Notre patron, Luc Rémont, félicite les agents EDF pour leur professionnalisme, mais il serait temps d'y ajouter une vraie reconnaissance", souligne Bastien Martin-Cisteron. "D'autant que la relance du nucléaire va nécessiter l'implication sans faille de chacun". Pour lui, rien ne sera signé à moins de 100 euros de plus sur les salaires nets mensuels.

Le bras de fer des négociations salariales

EDF SA prévoit des augmentations générales et individuelles représentant une progression moyenne de 4,14% des salaires pour l'année 2024. Dans le détail, il s'agit d'une augmentation générale de 2% pour tous les salariés de l'entreprise, négociée au niveau de la branche, d'une progression à l'ancienneté de 0,64% en moyenne, et d'un niveau d'augmentations individuelles de +1,5%. Sur ce dernier point, la CFE-CGC réclamait 4%, La CGT le même niveau d'augmentations que l'année dernière, soit 2,3%.

L'intersyndicale argue des bénéfices records de l'entreprise (5,8 milliards d'euros) pour réclamer sa part du gâteau. La direction soulignant, de son côté, le contexte d'endettement élevé du groupe (plus de 64 milliards d'euros), ainsi que les forts besoins d'investissements nécessités notamment par la relance du nucléaire.

Jusqu'au mardi 16 janvier, la centrale de Cruas-Meysse, en Ardèche, se trouvait relativement isolée dans le mouvement, mais d’autres sites pourraient suivre son exemple, à l'image de celui du Bugey. L’intersyndicale devrait appeler tous les employés d’EDF à s’engager dans cette bataille pour les salaires lors d'une journée d’action nationale le 29 ou le 30 janvier. 

Pénurie d'électricité peu probable

La grève nationale, si elle devait avoir lieu, n'aurait pas d'incidence pour le grand public. À l'automne 2022, une grève avait entraîné des retards dans le calendrier de travaux de centrales nucléaires françaises, et avait fait craindre des pénuries, en pleine crise énergétique européenne. La situation est sensiblement différente cet hiver : alors que l'an dernier, de nombreuses centrales devaient procéder à des travaux en raison d'un phénomène de corrosion sous contrainte dans leurs circuits de refroidissement, la capacité disponible du parc nucléaire a augmenté et s'élève maintenant à 84,59%, un taux jamais atteint depuis janvier 2021.

Mais attention : si une solution n’est pas rapidement trouvée, d’autres réacteurs, mais aussi des barrages hydrauliques ou des centrales thermiques (qui assurent un peu moins de 8 % de la production d’électricité), pourraient à leur tour faire l’objet de débrayages, menacent les syndicats.

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