Emmanuel Macron a annoncé, ce samedi à Strasbourg, sa volonté de faire entrer l’historien et résistant lyonnais Marc Bloch au Panthéon. Une annonce qui intervient 80 ans après son exécution par les nazis à Saint-Didier-de-Formans, un petit village de l'Ain.
Emmanuel Macron a annoncé, samedi 23 novembre, sa volonté de faire entrer au Panthéon, Marc Bloch, historien engagé dans la Résistance et fusillé par la Gestapo en juin 1944.
Oubli historique
"Marc Bloch fait partie de ces géants de l'histoire française, de l'histoire de la République, de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale aussi. En 2006, dans une pétition, tous les grands historiens français avaient demandé l'entrée de Marc Bloch au Panthéon à Jacques Chirac. C'était resté lettre morte. Le voir entrer aujourd'hui au Panthéon, c'est la réparation d'un oubli historique. Ironique pour un historien", a expliqué l'historien et écrivain Stéphane Nivet au lendemain de l'annonce d'Emmanuel Macron. "C'est le premier historien à faire son entrée au Panthéon".
Cette future panthéonisation, c'est aussi l'aboutissement d'un combat pour la reconnaissance dans la petite commune aindinoise de Saint-Didier-de-Formans. "Je n'attendais qu'une chose : que le Président l'annonce enfin. Je savais que ce jour allait venir", confie Frédéric Vallos, le maire. L'élu aindinois ne cache pas son émotion.
Il sera le 84ᵉ à entrer au Panthéon. C'est le symbole suprême de la reconnaissance de la Nation. Marc Bloch incarne les valeurs de la République et c'est ce qu'on veut transmettre aux générations futures.
Frédéric VallosMaire de Saint-Didier-de-Formans (Ain)
L'an dernier, Frédéric Vallos avait obtenu l'assurance que Marc Bloch serait le prochain grand homme à faire son entrée au Panthéon. Si l'élu est si bouleversé, c'est parce que c'est dans sa commune que Marc Bloch a été assassiné en 1944 avec 29 autres résistants. Le maire connaît d'ailleurs bien Daniel Bloch, le fils de l'historien résistant, âgé aujourd'hui de 98 ans. Il l'a accompagné dans ses démarches depuis plusieurs années. "Je l'ai eu au téléphone, il est ému et fier. C'est le combat d'une vie pour lui", ajoute l'édile.
Fervent républicain, résistant et martyr
Né à Lyon en 1886, Marc Bloch a grandi au sein d'une famille juive alsacienne qui a choisi la France. Il était un élève brillant, Normalien, agrégé d'histoire-géographie, enseignant et médiéviste reconnu. Il a été aussi le père d'une nouvelle approche historique. Ancien poilu, antifasciste, patriote et fervent républicain, Marc Bloch a été mobilisé à sa demande en 1939. Ce père de six enfants est alors âgé de 53 ans. La capitulation inspire à cet historien soldat "L'Étrange défaite".
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En 1940, avec les lois anti-juives de Vichy, il est exclu de l'enseignement avant d'être temporairement rétabli. C'en est fini quand les Allemands envahissent la zone libre en novembre 1942. Exclu de l'enseignement, il a rejoint la Résistance et plongé dans la clandestinité à Lyon, au sein du mouvement Franc-Tireur. "C'est Vichy qui a voulu lui rappeler qu'il était juif, mais lui se sentait français", rappelle Stéphane Nivet.
Marc Bloch a été arrêté le 8 mars 1944, interné à la prison de Montluc, à Lyon et torturé pendant des jours. Le 16 juin 1944, Marc Bloch a finalement été fusillé par la Gestapo avec 29 autres résistants dans un champ près de Lyon, à Saint-Didier-de-Formans, une petite commune de l'Ain. Ils ont été exécutés à la mitrailleuse, dans le dos, suppliciés par groupes de quatre. "Il a été abattu 20 jours avant ses 58 ans, 10 jours après le débarquement de Normandie", insiste Frédéric Vallos. Élu en 2014, le maire a déjà participé à onze commémorations au lieu-dit le Roussille.
Héritage
"Dilexit veritatem" ("J'ai chéri la vérité"). Ces deux simples mots sont gravés sur la tombe de Marc Bloch en guise d'épitaphe. La devise provient d'ailleurs de son "Testament spirituel". "L'Étrange défaite", publié à titre posthume après-guerre, est son ouvrage le plus connu. Mais sa grande œuvre reste la création en 1929, avec Lucien Febvre, de la revue des "Annales d'histoire économique et sociale", fer de lance de l'école historiographique française. L'historien a laissé un héritage intellectuel toujours d'actualité et son amour de la vérité, comme l'explique Stéphane Nivet.
"L'héritage Marc Bloch, c'est un petit ouvrage précieux qui m'a beaucoup marqué et qui s'intitule : 'Réflexions d'un historien sur les fausses nouvelles de la Guerre'. Aujourd'hui, ce pourrait être un manuel contre les fake news. Il l'a rédigé pendant la guerre de 14 sur les fausses nouvelles qui circulaient pendant le conflit. Il disait que la vérité était toujours la première victime des guerres. À l'occasion de la panthéonisation, il faudrait faire relire ce texte qui est resté universel".