Serge et Beate Klarsfeld à la maison d'Izieu : "Tant qu'on pourra, on viendra et on commémorera le souvenir de ces enfants"

44 enfants juifs et sept adultes ont été arrêtés puis déportés le 6 avril 1944. C’était il y a 79 ans. Un hommage solennel était rendu aux victimes à la maison d’Izieu ce jeudi en présence de Beate et Serge Klarsfeld. Le couple a consacré sa vie à traquer les nazis. Entretien.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Ce jeudi 6 avril 2023, une cérémonie s'est tenue devant la stèle de la Bruyère à Brégnier-Cordon en hommage aux victimes de la rafle du 6 avril 1944. Sur place, le couple Klarsfeld était présent.

Serge et Beate Klarsfeld, 87 ans et 84 ans, ont consacré leur vie à traquer les nazis. Le couple a notamment contribué à la tenue du procès de Klaus Barbie, celui qui avait ordonné la rafle des 44 enfants et sept adultes de la maison d'Izieu.

Pourquoi c'est important pour vous d'être ici aujourd'hui ?

Serge Klarsfeld : Ce n'est pas simplement aujourd'hui, c'est depuis de nombreuses années. Nous sommes là parce que nous sommes attachés à ce souvenir. On a commencé seuls en 1971 la recherche de Klaus Barbie, puis à reconstituer l'histoire des enfants d'Izieu. C'est un lien, il faut revenir pour être toujours dans cette histoire qui est une histoire importante pour nous, à titre personnel. 

Nous n'étions pas seulement à Izieu, à Brégnier-Cordon, mais également en Bolivie. Donc jusqu'au dernier moment, tant qu'on pourra, on viendra et on commémorera le souvenir de ces enfants dont j'avais l'âge et qui sont si proches de nous.

Beate Klarsfeld : Nous avons réussi. Vous savez, nous avons fait des livres sur les enfants d'Izieu et même en allemand. On a aussi une stèle au centre de Vienne pour Georgy Halpern. Mais c'est important aussi parce qu'on a fait des recherches avec notre association. Pour tous les enfants, on a eu les photos, on a trouvé les survivants et qui étaient parties civiles au procès de Klaus Barbie.

Vous n'avez pas peur que la mémoire, au fil des années, finisse par s'étioler ?

Serge Klarsfeld : L'Histoire nous apprend qu'il y a toujours des hauts et des bas et qu'elle est imprévisible. Donc c'est pendant notre vie, pendant notre existence que l'on peut faire quelque chose. Il faut y croire, il faut avoir la foi et après c'est aux générations suivantes de montrer quel sera le cours de l'Histoire, mais nous ne pourrons plus intervenir.

Mais justement qu'est ce qu'on peut faire de plus ? Ça fait 80 ans maintenant que le lieu existe.

Serge Klarsfeld : On ne peut pas faire beaucoup plus que ce qui a été fait. Si on se retourne, il y a un peu plus de 50 ans, le souvenir des enfants d'Izieu avait plus ou moins disparu. Klaus Barbie avait disparu. Puis nous avons ramené Barbie à Lyon, les souvenirs des enfants sont réapparus, la maison d'Izieu a été créée par la République.

Beate Klarsfeld : Beaucoup de jeunes viennent aujourd'hui. C'est un grand musée, une exposition, c'est positif. L'extrême droite est un peu menaçante partout en Europe, alors ça permet aux jeunes de savoir ce qui est arrivé et d'empêcher qu'il y ait à nouveau des attentats, la guerre, etc. Ça peut les former. S'engager aussi un petit peu, oui, parce que c'est pas seulement venir à Izieu pour ne rien faire mais rentrer dans la maison et voir les dangers qu'il y a aujourd'hui.

Serge Klarsfeld : Klaus Barbie était allemand et Beate est allemande. C'était donc deux images différentes de l'Allemagne.

Pour vous Izieu dans votre vie de combat, qu'est ce que ça représente en particulier ? Est-ce que c'est le combat ? 


Serge Klarsfeld : Non, ce n'était pas notre combat essentiel, contrairement au procès de Cologne, c'est-à-dire le procès de ceux qui ont organisé la "solution finale" en France. Et il ne s'agissait pas de 44 enfants, mais il s'agissait de 80 000 juifs qui ont péri. 

Mais c'est l'affaire la plus retentissante parce que Klaus Barbie n'était pas en Allemagne, tranquille, il était dans la cordillère des Andes et ça correspondait un peu au schéma que les Français avaient du criminel nazi. Il s'est enfui au bout du monde et pour nous, le plus important, ce n'était que ces criminels ne se soient terrés, mais que la plupart d'entre eux était restée en Allemagne, le pays allié et ami de la France, donc il fallait changer les choses outre-Rhin. Izieu, c'est le symbole de la rafle anti-juive contre les enfants en France.

Beate Klarsfeld : Il y a une association des résistants allemands qui avait porté plainte contre Klaus Barbie et puis l'affaire a été classée. J'ai réussi à la faire rouvrir. Mais quand elle avait été fermée, le procureur de Munich avait dit : "Klaus Barbie ne pouvait pas savoir que les enfants, qui étaient déjà des orphelins, seraient envoyés vers la mort." Vous voyez, à chaque fois qu'on vient, c'est extraordinaire. Et pour les jeunes qui viennent aujourd'hui, ils voient ce qu'est vraiment la barbarie et la méchanceté.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité