Air Cocaïne. L'opération d'exfiltration des pilotes baptisée "Dîner en ville"

On en sait plus sur l'opération d'exfiltration de l'Isérois Bruno Odos et du Rhodanien Pascal Fauret. Nom de code: "Dîner en ville". Il aura fallu 6 jours pour que les pilotes rejoignent la France après avoir quitté la République dominicaine après un périple par la route, la mer et les airs. 

Mi-août, Pascal Fauret, 55 ans, et Bruno Odos, 56 ans, sont condamnés à 20 ans de prison. En attendant un procès en appel, ceux qui clament leur innocence ont interdiction de sortir du territoire de la République dominicaine, et sont sous liberté surveillée, leurs passeports confisqués. Mais très vite, dans leur esprit et au cours de conciliabules entre leurs familles et deux acteurs-clés, l'eurodéputé du Front national Aymeric Chauprade et le criminologue Christophe Naudin, germe l'idée d'une évasion. Des "donateurs" sont prêts à en financer le coût, près de 100.000 euros.

"Leurs téléphones étaient sur écoute, mais ils ne faisaient pas l'objet d'une surveillance physique permanente", raconte Christophe Naudin.

Plusieurs scenarii sont envisagés: les faire quitter la République dominicaine en hélicoptère, jet ski, avion ou bateau. Le dernier plan est finalement adopté et deux équipes sont mobilisées - une dizaine de personnes, "d'anciens marins et quelques militaires du corps aéronautique".

Ex-pilotes de chasse, Pascal Fauret et Bruno Odos ont reçu, depuis leur arrestation en mars 2013 dans un avion bourré de cocaïne, le soutien du réseau de l'Aéronavale.

L'opération est baptisée "Dîner en ville". Les messages codés sont empruntés au vocabulaire gastronomique. "Au téléphone, on a fait croire qu'on organisait une grande bouffe. Les convives étaient les pilotes, les cuisiniers les organisateurs. L'équipe 'poisson' était chargée de l'opération en mer, l'équipe 'volaille' du voyage en avion", détaille Aymeric Chauprade.

Désinformation

Une entreprise de désinformation est menée auprès de plusieurs Dominicains, évoquant une fuite par les airs à une date ultérieure.

Dans la nuit du 17 au 18 octobre, les pilotes quittent en voiture leur hôtel de Saint-Domingue avec l'élu frontiste, qui connaît bien l'île des Caraïbes pour avoir été conseiller de l'ex-président Leonel Fernandez.

Vers 6 heures, ils montent à bord d'une embarcation près de Punta Cana. Prochaine étape: retrouver le voilier de Naudin à quelques dizaines de milles nautiques des côtes. "On s'est fait passer pour des touristes. On avait peur de tomber sur des vedettes de police. Mais il n'y a pas eu d'incident", relève le parlementaire.

Le criminologue est au rendez-vous, il envoie un message: "Les crustacés sont dans la nasse", et entame avec Pascal Fauret et Bruno Odos un lent périple de cinq jours, "afin de ne pas éveiller les soupçons", pour rejoindre la partie française de l'île de Saint-Martin.

"Pascal et Bruno savent gérer leur stress. Ils dormaient beaucoup. Au fur et à mesure que le bateau s'éloignait, l'atmosphère se détendait", se souvient-il.

Au même moment, des membres de la première équipe rejoignent l'hôtel de Saint-Domingue et se font passer pour les fuyards.

Le 23 octobre, les vrais pilotes s'envolent, -avec leur propre carte d'identité et des billets à leur nom-, pour la Martinique, puis le lendemain vers la métropole.

"Le plan prévoyait que chacun se disperse et se mette au vert plusieurs jours. Nous ne voulions pas médiatiser l'affaire avant que la juge marseillaise" chargée de l'enquête française sur ce trafic de drogue "soit au courant", relève Christophe Naudin. Mais un journaliste est informé de l'opération alors que les pilotes sont encore à Fort-de-France.

"Tout a été chamboulé. Il a fallu en urgence s'expliquer devant la presse", regrette le président de leur comité de soutien Philippe Heneman. Christophe Naudin et Aymeric Chauprade s'accusent mutuellement d'avoir médiatisé l'affaire.

Pascal Fauret et Bruno Odos attendent maintenant d'être convoqués chez la juge. Leurs proches restent sereins. "Il ne s'agit pas d'une évasion, ils n'ont scié aucun barreau, mais d'une fuite pour éviter qu'ils soient à nouveau injustement condamnés à une lourde peine", estime Philippe Heneman. Seuls seront présents au procès en appel dans l'île l'organisateur du vol Alain Castany et le passager Nicolas Pisapia, restés en République dominicaine.
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