Ils n’ont que 20 et 21 ans et sont accusés de 3 crimes assortis d’actes de torture et de barbarie et d’un viol, commis en 2017 à Montuçon. Mercredi 20 novembre, la cour d’assises de l'Allier s’est intéressée au parcours de vie du plus jeune de ces deux Mahorais, mineur au moment des faits.

Comprendre, par le prisme de leurs histoires, comment deux jeunes garçons, âgés de 17 et 18 ans au moment des faits, ont pu basculer dans la barbarie… telle était l’ambition de la cours d’assises de l’Allier, mercredi 20 novembre, alors qu’elle doit les juger pour trois crimes et un viol ultra-violents, commis en mars 2017, à Montluçon.
C’est le plus jeune des deux qui a été invité à s’exprimer en premier. Debout dans le box, engoncé dans une veste de sport, il commence à parler. Les mains jointes, le regard baissé, il raconte. Son enfance dans l’agglomération de Mayotte, son quartier « qui n’était pas tranquille et qui était en guerre contre toute la ville », ses mauvaises fréquentations, et l’école qu’il sèche de plus en plus. Il parle. Sans s’arrêter.
Rapidement la violence s’installe dans son discours. Les rixes entre les jeunes des quartiers, où l’ « On se battait avec des barres de fer, des machettes, enfin des trucs comme ça ».  Et les « tête-a-tête », ces combats de boxe dont il sortait presque tout le temps vainqueur. 

Une violence omniprésente



La violence devient omniprésente. A l’école coranique, « On [leur] donnait des coups de bâton » et « on [les] enchaînait aux bureaux », à l’école du village, « Le directeur [les] enfermait dans des armoires ». A la maison, le père réagit. « Ca ne lui plaisait pas ». Il le frappe. Et l’envoie régulièrement faire des séjours sur l’île des Comores.  « Là-bas, les policiers sont très très sévères et pour un vol, vous pouvez vous prendre une balle de  Kalachnikov ».
Quand il rentre à Mayotte, il se met à voler, il fugue. « Ca faisait pleurer ma mère », enchaîne-t-il. Il n’a que 14 ans. Ses parents décident alors de l’envoyer en Métropole. « Je ne voulais pas y aller, j’avais refusé. Ils m’ont fait croire que c’était juste pour les vacances… ».
 

« Ils ont cru qu’en France je réussirai »



C’est ainsi qu’il arrive à Dijon, récupéré par une cousine. Dans ses affaires, il découvre des « dossiers » le concernant. Il comprend le dessein de ses parents. « Ils ont cru qu’en France je réussirai… »
Commence alors pour lui une vie d’errance, où il passe de chez un cousin à chez un oncle, à Djion ou à Montluçon. A chaque fois, les relations sont tendues, la violence est toujours là.  Il comprend vite qu’il ne peut compter que sur lui-même.
A Montluçon, il finit par se réfugier dans un squat fréquenté par de jeunes Mahorais, où il rencontre Z. A.M., son co-accusé. Puis,il repart à Clermont-Ferrand, chez des cousins. « Malheureusement, ce n’étaient pas des gens qui travaillaient. Ils vendaient du shit. Je me suis rapidement mis à en vendre moi aussi. Je fumais. Et j’ai commencé à boire beaucoup, tous les soirs. De la vodka. ».
Avec le même ton, posé, le même débit, lent et régulier, le jeune garçon se met alors à raconter l’agression particulièrement violente d’un chef de gare à Clermont-Ferrand. [NDLR : une affaire qui date d’octobre 2016 et qui a pu être résolue suite à son arrestation pour les crimes de Montluçon. Jugé en mars 2018 par le tribunal des enfants, il a été condamné à huit mois de prison,  dont quatre avec sursis].
 

« J’ai saccagé la gare de Clermont-Ferrand »



« On était en train de boire avec mes cousins, et on s’est disputés. Ça m’a énervé. On a failli se rentrer dedans. Je suis parti. J’étais en colère. Je me suis retrouvé devant la gare, elle était fermée. Je suis rentré dedans. Je suis monté dans un wagon. Il y avait des brise-glaces, je les ai pris. J’ai saccagé la gare de Clermont-Ferrand. J’avais trouvé une caisse avec de l’argent. J’allais partir et j’ai croisé un agent qui rentrait. Mon premier réflexe, je lui ai mis un coup de caisse. Il est tombé. J’ai vidé son portefeuille. J’ai pris les billets et je suis parti ».
Sans faire de pause, il enchaîne. Toujours sur le même ton. Suite à cet épisode de violence, il raconte qu’il retourne à Montluçon. « On s’est retrouvés avec Z. A.T… et c’est là que les faits abominables se sont déroulés ». 

"Victime de sa violence"



Ce long monologue, d’un peu plus d’une heure, c’est l’histoire de toute une vie. Une vie construite sur la violence, mais aussi « remplie de vide », comme l’a souligné une travailleuse sociale chargée de l’enquête de personnalité. La psychiatre chargé de l’expertise confirme. « Ce qui m’a frappé, c’est que les mots qui revenaient le plus dans son discours sont « Je restais sans rien faire ». Ce qu’elle a constaté aussi, c’est une absence totale d’entraves.
« On lui a donné toutes les conditions pour ne pas se construire, et devenir l’homme violent qu’il est devenu, a-t-elle fini par conclure. Il a été lui-même victime de sa violence ».
Interrogée sur l’avenir par le président, l’experte a mis en avant sa dangerosité. « Même s’il a évolué depuis son incarcération, on ne peut pas exclure d’autres passages à l’acte ».
Une dangerosité qui persistera s’il n’évolue pas en détention mais qu’elle pense réversible. Ce qui n’est envisageable qu’avec une prise en charge et des soins adaptés.
Jugés aussi pour un viol
La matinée du mercredi 20 novembre s’est tenue à huis-clos, car elle était consacrée à l’audition de la jeune femme qui a sauvagement été violée le 12 mars 2017 au petit matin, à son domicile, sous les yeux d’un ami violenté et ligoté par les agresseurs. Un viol particulièrement odieux, qui s’est déroulé quelques heures après le meurtre de Jeanine Ponce et sur lequel les accusés ont eu à s’expliquer.
 
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