Au deuxième jour du procès de 2 hommes accusés d'avoir sauvagement tué 3 personnes âgées à Montluçon, la cour d'assises de l’Allier, mardi 19 novembre, a entendu la souffrance extrême des enfants des victimes. Quant aux accusés, ils sont restés murés dans leurs incohérences.
« Ils m’ont enlevé la possibilité de leur dire que je les aimais, ils n’avaient pas le droit ». A la barre, au deuxième jour du procès des accusés des crimes de Montluçon (Allier), Graziella, la fille du couple Degl’Innocenti parle d’une voix sobre. « Ils ne leur ont laissé aucune chance, ils n’ont eu aucune pitié ».
Comme Hervé, son frère, et Elisabeth, la fille de Jeanine Ponce, elle témoigne de la souffrance extrême qui ronge son quotidien. De son deuil impossible. De sa vie qui s’est brisée en mars 2017.
Assise en face des accusés, dont elle a découvert le visage lundi comme les autres parties civiles, Elisabeth écoute le récit des atrocités qu’ont subies les victimes. Dans tous les détails, même les plus sordides. Le nez plongé dans un petit cahier, elle prend des notes. Sans interruption, elle noircit des pages et des pages. Appelée à son tour à s’adresser à la cour, elle s’explique. « Depuis la mort de ma mère, j’ai du mal à me concentrer. J’ai peur d’oublier, alors j’écris tout ce que j’entends. Et puis c’est aussi une façon de créer un écran… »
Dans un récit poignant, elle livre ensuite son extrême souffrance et raconte l’horreur à laquelle elle a été confrontée lorsqu’elle a pu entrer dans l’appartement de sa mère maculé de sang. Elle détaille aussi les conséquences au quotidien de ce drame, comme sa carrière qu’elle a mise de côté ou les Noël que la famille ne fête plus.
« Elle n’avait plus de visage »
Digne, elle tient aussi à parler de sa mère, « une femme simple, paisible, connue dans son quartier » et qui s’était « engagée pour la cause de la souffrance animale et le Secours Populaire ». Son seul malheur ? Ne pas avoir fermé sa porte, laissant le champ libre à des bourreaux qui l’ont tuée pour quelques dizaines d’euros et une poignée de bijoux. Une femme qui n’avait « plus de visage » au moment de sa mort, comme s’en est désespérée sa fille « Ils l’avaient détruit ».
Interrogée elle aussi sur l’attitude des accusés, elle répond, dépitée. « Qui a fait quoi, ce n’est pas mon problème, c’est le leur pas le mien ».
Attitude indécente
Car depuis le début de ce procès, c’est ce que cherche à comprendre la cour. Mais au fil des dépositions des accusés, difficile de savoir exactement ce qui s’est passé lors des agressions mortelles. Chacun à leur tour, ils avouent des actes, en réfutent d’autres, et se chargent mutuellement. Les réponses, souvent laconiques s’enchaînent et se contredisent. « Alors cette fois, vous nous dîtes la vérité ? ironise Emmanuelle Fredon, l’avocate générale. Parce que si je compte bien on en la version 6 non ? » Tout aussi agacés, les avocats de la défense enchaînent et somment leurs clients de dire la vérité. « Votre attitude est indécente pour les victimes, fustige maître Deschamps. C’est inadmissible ».
Interrogé à nouveau par le président, le plus âgé des deux accusés, Z. A.T. finit par reconnaître que c’est bien lui qui a porté les coups de couteau à Jeannine Ponce, comme il l’avait fait la veille pour le couple Degl’innocenti. Mais il est incapable de s’expliquer. « Pourquoi ces coups de couteau ? » lui demande Sébastien Talendi. « Je ne sais pas, balbutie le jeune homme. « Mais pourquoi l’avait vous pris ? » Son interlocuteur hésite. « Parce qu’il m’a attiré… »
Basculer dans la barbarie
Depuis l’ouverture des débats, la cour tente aussi de comprendre ce qui a poussé ces deux jeunes garçons, âgés de 17 et 18 ans au moment des faits, à basculer dans la barbarie. Au fil de leurs réponses, entre de nombreux « je sais pas… », ils parlent d’argent qu’ils voulaient trouver à tout prix, mais aussi l’alcool et du cannabis qu’ils consommaient à outrance. « Quand je bois et que je fume je suis quelqu’un d’autre » finit par ajouter Z. A.T., avant d’évoquer la toxicité de la relation qu’il entretenait avec son co-accusé. « Quand il est avec moi, il se sent fort. Et quand je suis avec lui, je me sens très fort. Très très fort… ». Une relation qui n’a pas résisté dès qu'il a fallu assumer puisque, aujourd'hui, ils ne se parlent plus.
Lundi, les familles des victimes ont pu entendre les excuses de ceux qui n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord. Des excuses difficilement formulées en fin d’après-midi à la demande de leurs propres avocats. Invité à réagir par le président, Hervé, le fils du couple Degl’Innocenti, a fait savoir qu’il n’était pas dupe en mettant les choses au point. « Leur pardon est lié à une stratégie de défense, on sent que ça ne vient pas d’eux. Je ne suis pas sensible à ça… Ce que j’ai entendu depuis le début du procès est incohérent et lamentable. Mais je n’attendais pas beaucoup plus de ces gens-là ».