Interdiction des jets privés : cette petite phrase d’un député (LR) de l’Allier qui fait polémique

Les jets privés sont-ils « un outil de développement économique et de désenclavement de nos territoires ruraux » ? Cette petite phrase prononcée par le député (LR) de l’Allier, Nicolas Ray, jeudi 6 avril, à l’Assemblée nationale, a été reprise sur les réseaux sociaux. Le député ne comprend pas un tel déchaînement de moqueries. Il s’en explique.

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C’est une petite phrase qui n’est pas passée inaperçue et qui enflamme Twitter. Jeudi 6 avril, à l’Assemblée nationale, alors qu’est débattue une proposition de loi des écologistes visant à interdire les vols en jets privés, le député de l’Allier (LR), Nicolas Ray, prend la parole au perchoir. Il déclare : « La petite aviation demeure très utile pour le désenclavement de nos territoires ruraux souvent mal desservis. (…) Interdire brutalement les jets, ce serait se priver d’un outil de développement économique et de désenclavement pour nos territoires ruraux ». Très vite, les déclarations de l’élu sont diffusées sur Twitter et déchaînent la colère de certains internautes, qui n’hésitent pas à tourner en dérision les propos de Nicolas Ray.

Des commentaires jugés de "mauvaise foi" par le député

Parmi les nombreux commentaires, Pablo écrit : "Les jets privés pour désenclaver les territoires ruraux, il fallait oser". Guillaume ajoute : "Les fameux jets privés de milliardaires des territoires ruraux, bien connus". Jean-Baptiste s'émeut : "Les 3/4 des jets vont et viennent de Paris et Nice... Vive les territoires ruraux". Shaka renchérit : "Des jets privés dans les territoires ruraux, on aura tout vu. C'est tout juste si il y a des bus déjà".
On peut aussi lire : « On ferme les lignes de bus et de train dans les territoires ruraux mais ça va, on vous laisse les jets privés ». Le député bourbonnais réagit : « J’ai envie de répondre qu’il faut écouter mon intervention jusqu’au bout. Mettons une taxe sur les jets privés pour financer ce que ce monsieur dit. On a un énorme besoin de financement de nos transports. Il y a un mois, la Première Ministre a annoncé un plan de 100 milliards. J’applaudis, sauf qu’elle ne dit pas comment cela sera financé. Ce n’est pas l’Etat qui va financer ces 100 milliards. On a besoin de ressources pour financer les transports. Ces commentaires sont de la mauvaise foi ».
D’autres internautes indiquent : « Les célèbres jets privés qui desservent Lapalisse et Périgny », « Les jets désenclavent les territoires ruraux. On ne vit pas dans le même monde ». Voici la réponse du député : « Je leur réponds que cela arrive, surtout à Clermont-Ferrand. Il arrive qu’il y ait des liaisons sur nos aérodromes départementaux. Il faudrait maintenant fermer les aérodromes ? ».
Vous pouvez trouver ici l’intégralité de l’intervention du député.

Nicolas Ray avance un argument : « Dans un monde idéal, on se passerait bien des jets privés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Je comprends que les jets privés puissent choquer, même si c’est symbolique. Le texte a été rejeté à une très grande majorité. Ce sont essentiellement des vols commerciaux qui sont utilisés pour ces avions d’affaires. Il s’agit parfois d’intervenir en urgence pour des questions sanitaires ou médicales mais aussi pour des entreprises qui ont besoin de se rendre rapidement d’un point à un autre. Je ne souhaitais pas supprimer purement et simplement ces liaisons mais plutôt instaurer une taxe pour financer les infrastructures de transport. On prend le problème à l’envers ». L’élu républicain rappelle : « Ces liaisons sont utiles dans des territoires ruraux comme l’Auvergne où on n’a pas des liaisons adaptées rapides, en avion ou en train. On a des entreprises comme Limagrain, comme Michelin, qui ont besoin de ces liaisons pour rester compétitives, pour pouvoir assurer des déplacements rapidement entre leurs différents sites de production. Je trouve les réactions choquantes et un peu méprisantes. Tant qu’il n’y aura pas les infrastructures modernisées de train ou d’avion, malheureusement on aura encore besoin de ces liaisons d’affaires sinon on va mourir ».

Une pollution "faible" selon le député

Interrogé sur la pollution que représentent des jets privés, il indique : « Les émissions de gaz à effet de serre sont très faibles : c’est 2,4 % des émissions de l’aviation et 0,04 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Bien sûr, il faut qu’on progresse. Il faut savoir que ces petits avions permettent d’avancer en termes de recherche pour les avions dits propres qui utilisent des carburants durables. Si on supprime brutalement ces liaisons, on ne pourra plus continuer ces efforts de recherche pour développer l’avion propre dans les prochaines décennies ». D’après le site Bon pote, un média écologiste, les jets privés sont en moyenne 10 fois plus polluants que les avions commerciaux (par passager), eux-mêmes 50 fois plus polluants que le TGV. En une heure, un seul jet privé peut émettre deux tonnes de CO2. La moyenne annuelle d’émissions d’un Européen est de 8,2 tonnes CO2eq, celle d’un Français est d’environ 10 tonnes.

La proposition d'une taxation

Nicolas Ray souhaiterait qu'on mette en place une taxation de ces vols en jets privés : « Je prévois une taxe pour cela car 80 % de ces vols sont des vols d'affaires. Ce n’est pas pour du loisir, ce n’est pas pour aller se promener sur la Côte d’Azur. C’est pour aider des entreprises qui sont dans des territoires mal desservis par les autres types de transport ». Il entend aussi défendre les emplois du secteur de l’aéronautique : « On a une filière aéronautique dont on doit être fiers. Il y a des milliers d’emplois et une telle mesure pourrait les fragiliser si brutalement, on supprimait ces liaisons. Bien sûr, il faut que l’aéronautique innove ». Le député bourbonnais ne s’attendait pas à un tel déferlement de commentaires sur les réseaux sociaux : « Cela ne fait jamais plaisir. Je commence à m’y habituer. Cela fait huit mois que je suis député, je découvre la fonction avec ses joies et parfois ses attaques. Mon argument a été repris par beaucoup d’orateurs hier à l’Assemblée nationale. La chaîne LCP a retenu cet argument parmi d’autres, mais si vous écoutez mon intervention je ne parle pas que de cela. On oublie de dire ce que je propose, mettre une taxe sur ces jets pour financer des infrastructures pour nos territoires ruraux. Je me bats pour le train, pour le contournement de Vichy et on a besoin d’argent ».

Des commentaires "de personnes qui vivent en ville"

Il conclut : « Je crains que ces commentaires soient ceux de personnes qui vivent en ville, loin de nos préoccupations. On a besoin de soutenir nos entreprises dans nos territoires car sans elles, il n’y a pas d’emplois, pas de développement social, culturel ou touristique ».

Finalement, la proposition de loi portée par les écologistes n’a pas été votée. Il s’agissait de « ramener les riches sur Terre » en les faisant contribuer à la transition écologique, a plaidé le député (EELV) Julien Bayou. « C’est la mesure qui pénalise le moins de monde mais qui produit le maximum d’effets pour le climat et l’atmosphère », a-t-il estimé. Le ministre des transports a annoncé dans l’hémicycle que le gouvernement proposera « une écocontribution revue à la hausse » en 2024 pour l’aviation commerciale privée. Dans la loi de finances pour 2023, un "relèvement de 70% de la taxe sur les carburants de l'aviation privée" a été mis en place, a-t-il rappelé, convenant que certaines pratiques étaient "choquantes, souvent décalées, parfois inacceptables". Vous pouvez trouver ici le détail du vote des députés sur l’interdiction des jets privés : 104 députés ont voté contre, 37 pour et il y a eu une abstention.

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