"Ça demande beaucoup de douceur et de tact": les "villages d'enfants" au secours de mineurs placés par la justice dans l'Allier

Depuis la fin de l'été 2023, des fratries placées par la justice peuvent être prises en charge ensemble grâce à l'association SOS villages d'enfants, à Commentry et Cusset, dans l'Allier.

Le nom semble tout droit sorti de Peter Pan. Dans l'Allier, deux "Villages d'enfants" ont vu le jour pour permettre de prendre en charge les fratries d'enfants confiée par l'ASE (Aide Sociale à l'Enfance), la première initiative du genre dans la région. À Commentry, qui accueille l'un de ces villages avec Cusset, le quartier est presque comme les autres, à ceci près qu'ici, il n'y a que des familles nombreuses. Depuis août 2023, Isabelle Freitas veille sur cinq enfants, deux fratries, confiées à ses soins par la justice et l'ASE. Cette éducatrice familiale remplit ainsi un travail de mère au foyer. Ce jour-là, c'est menu burger pour les enfants. Certains insistent pour l'aider à préparer le repas, tandis que d'autres préfèrent dessiner plutôt que de se mettre à table. La tâche n'est pas de tout repos, il faut s'occuper de la maison, du linge, des courses, des activités extrascolaires, mais aussi aimer et éduquer ses enfants.

"Il faut prendre beaucoup de douceur et de tact, explique l'éducatrice familialle. Ce sont des enfants qui ont besoin qu'on s'occupe d'eux au quotidien, qu'on leur apporte une sécurité affective et qu'il y ait du lien. Il y a des enfants pour lesquels c'est plus difficile que d'autres. Pour certains, c'est naturel, ils vont vite venir vers les adultes, mais d'autres ont besoin d'un peu plus de douceur et peser ses mots pour arriver à aller vers eux."

Un travail à temps plein, nuit, week-ends et jours fériés compris. Alors pour permettre à ces professionnels de se reposer, ils sont remplacés quelques jours toutes les trois semaines par des aides familiales, comme Ludovic Muller : « Je suis en complément de l'éducatrice familiale, je la remplace qu'elle n'est pas là, aussi bien pour les devoirs, les visites chez le médecin ou encore l'entretien de la maison, entre 7 et 12 jours par session."

« Il faut tout un village pour grandir »

Ce travail d'équipe est résumé sans équivoque par le slogan de l’association : « Il faut tout un village pour grandir ». Alors au milieu des maisons, un bâtiment offre des espaces communs, et regroupe personnel administratif, psychologue, et éducateurs spécialisés pour accompagner les enfants.

La fillette que prend en charge aujourd'hui Andréa Declodure, éducatrice scolaire est scolarisée en classe de CE1, mais a le niveau de lecture d’une enfant de CP. "Souvent, quand ils arrivent, ils peuvent avoir des problèmes de lecture. C'est un peu comme de la dyslexie, mais sans être dyslexique, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas pu se mettre avant dans les apprentissages, ce qui cause des petites lacunes, explique l'éducatrice. Tant qu’ils ne sont pas stabilisés dans la famille, ils ne sont pas vraiment disponibles pour apprendre puisqu'ils pensent à plein d'autres choses quand ils sont à l'école, ce qui fait qu'ils ont plus de mal à apprendre."

Une trentaine de professionnels entourent les enfants pour leur permettre de se construire ou de se reconstruire… Mais les familles biologiques ne sont pas forcément bannies de leur vie. Alors cette maison commune sert aussi d’espace de rencontre avec les parents.

"Ça pourrait être compliqué pour les professionnels qui accueillent au quotidien les enfants de se retrouver en prise directe avec les familles", reconnaît Alexandre Legrain, directeur du Village d'Enfants de Commentry. "Même si on travaille avec les familles et qu'on n'est pas là pour se substituer, mais uniquement pour suppléer aux difficultés, c'est bien que ce soit fait par des personnes tierces, qui ont un espace et un rôle plus neutre dans cette relation-là."

Non loin de là, huit maisons au total ont été bâties pour pouvoir héberger une quarantaine d’enfants. La dernière d’entre elles est sur le point d’accueillir ses premiers habitants, il faut donc la meubler, la décorer et la fournir pour en faire un foyer, sans savoir qui vivra entre ces murs dans les prochains mois. « C'est toujours très compliqué, car les besoins sont très différents d'un enfant à l'autre, en fonction de son âge et de son genre, confie Aurélien Haus, éducateur familial, en plein aménagement des lieux. On ne sait jamais vraiment donc on tape large quand on accepte. Quand on saura ce qu'on a comme enfant, on devra sûrement racheter des draps de lit, des serviettes ou encore des chaises hautes en fonction de leurs besoins."

Mais finalement, l’essentiel n’est pas là. Il faudra avant tout éduquer ces petits ou ces adolescents "avec ce qu’on est", comme dit Aurélien, afin de permettre à ces enfants de vivre pleinement leur enfance.

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