En mars 2020, quand la France plongeait dans le confinement, le père Jean-Pierre Millet, prêtre dans l'Allier, partait à l'hôpital. Il était l'un des premiers malades du COVID 19 à Montluçon. Un an après, il revient sur cette expérience difficile.
En mars 2020, alors que le pays était confiné pour la première fois, le père Jean-Pierre Millet était hospitalisé. Ce prêtre de Montluçon a été l’un des premiers à être touché par le COVID 19 dans cette ville, sous-préfecture de l'Allier. Finalement guéri, il revient sur cette période particulière et raconte son expérience : « Je me souviens avoir dit à Dieu dans ma prière : « Si c'est le moment, prends-moi ». J'ai vu une publicité qui disait « Venez tel que vous êtes » et c'est un peu ce que j'ai dit à Dieu dans ma prière. »
Il y a un an, vous avez été hospitalisé, sans aller jusqu'en réanimation, qu'est-ce que vous gardez de ce moment difficile ?
Jean-Pierre Millet : « Est-ce qu'il a été difficile ? Pas si sûr. Pour moi, le fait d'être hospitalisé, ça m'a plutôt rassuré. J'admirais le dévouement de tous les soignants parce que ce n'était pas facile. C'était le début, eux-mêmes ne maîtrisaient pas trop la chose, et puis il y avait toutes les contraintes sanitaires. Pour moi, c’était la peur de passer ce fameux virus que je portais en moi. »
Est-ce que vous avez eu peur pour votre vie ?
Jean-Pierre Millet : « Je ne sais pas, on m'a souvent posé cette question. Au tout début où j'étais dans mon bureau, confiné, j'ai refait mon testament. Ça doit bien vouloir dire quelque chose. Les journées passaient très vite, parce que j'étais un peu ailleurs. J'étais incapable de répondre aux mails, aux SMS, aux messages enregistrés... J'ai été quand même émerveillé de voir tout ce monde qui se souciait de moi. Je ne pouvais pas sortir, je ne pouvais pas faire de courses, je risquais de mourir de faim. Trois paroissiens et paroissiennes se sont chargés tous les jours de m’amener ce qu'il me fallait. »
Vous n'avez pas été confiné mais mis en quarantaine, comment avez-vous vécu d'être enfermé et isolé ?
Jean-Pierre Millet : « Je n’étais pas enfermé. Il faisait très beau, les fenêtres de mon bureau étaient ouvertes, d'ailleurs j'ai eu des contacts avec des jeunes voisins que je ne connaissais pas. Ils étaient sur leur balcon et on se faisait un petit signe, on ne parlait pas plus à cause de la distance entre les fenêtres. Avec le beau temps, comme beaucoup de mes confrères, on a pris du temps pour prier. C'est un temps qu'on n’a pas toujours. Je crois que dans tout ce temps où on a été coupé de notre communauté chrétienne, c'est là que l'on s'aperçoit qu'on n'est pas prêtre pour soi. Ça ne veut rien dire être prêtre pour soi. On est prêtre pour un peuple. »
Un an plus tard, quel regard portez-vous sur cette crise ?
Jean-Pierre Millet : « Ça dure, ça dure trop, mais on ne peut pas y faire grand-chose. Ce qui me manque le plus, alors qu'on a retrouvé nos communautés chrétiennes, c'est que d'habitude, on dit aux gens d'avancer, de se serrer, de se rassembler. Là, on leur dit « Reculez, écartez-vous ». Il y a quelque chose qui ne va pas. Notre rôle est de rassembler et, en ce moment, on ne peut pas rassembler. Le moment de la communion, c'est un bon moment. On voit les gens sourire à travers leurs yeux et ça, ça fait du bien. Par contre, on ne voit plus le sourire des gens pendant l’office, parfois on les voyait sourire parce qu'on avait fait un trait d'humour, mais là non. Ca manque de visages. Il arrive assez souvent que quelqu'un dise : « C’est Dieu qui nous a envoyé ça pour nous punir, parce qu'on n'est pas respectueux. » Ça, je n'y crois pas du tout. Un dieu qui ferait cela, moi, je crois que je ne serai pas son prêtre. Ce n'est pas Dieu qui peut nous envoyer un virus. »
Est-ce que vous voyez toujours la vie de la même façon ?
Jean-Pierre Millet : « Ce que je sais, c'est qu'on mesure quand même que la vie est importante. Il y a une expérience qui m'a vraiment marqué au début du second confinement. J'ai célébré les obsèques d’un monsieur qui était en maison de retraite. J'allais le voir quand j'allais dans cette maison de retraite, il avait 90 ans passés mais bon pied bon œil, plein d'humour... Et là, je célèbre ses obsèques. Ce n'était pas prévu, et ça, ça m'a quand même heurté. Je me suis dit, ce n'est pas possible, on peut disparaître d'un seul coup comme cela. La vie, c'est merveilleux et quand elle est là, il faut la vivre pleinement parce que, ce qu’on n’aura pas fait aujourd'hui, demain on ne pourra peut-être pas le faire et ça c'est dommage. »